Colin Kaepernick, Nike et la question de la légitimité

Sujet d’actualité, une fois n’est pas coutume sur ce blog : Nike, pour les 50 ans de son slogan « Just do it », vient de diffuser un film de 2 minutes, dans lequel ils soutiennent le footballeur américain à l’origine d’un mouvement de protestation contre le racisme. Les marques françaises peuvent en tirer des enseignements précieux.

L’histoire

Colin Kaepernick jouait pour les San Francisco 49ers (quaterback, le numéro 10 du foot américain). Fin août 2016, il commence à s’agenouiller au moment de l’hymne américain, moment où traditionnellement tous les présents, spécialement les joueurs, se lèvent et chantent, la main sur le cœur. Le sens de ce geste : protester contre les violences policières contre les noirs. #takeaknee

Aussitôt la polémique enfle : de nombreux joueurs lui emboîtent le pas… mais ce bon Donald Trump, qui n’en manque pas une, attaque violemment ces joueurs, coupables selon lui de ne pas respecter l’hymne et le drapeau (attaque à base de « sons of bitches »), jusqu’à en faire un thème récurrent de ses meetings et de ses tweets. L’opposition a duré, perturbant de longs mois le championnat et occupant l’espace médiatique.

Le film et ses réactions

Intitulé Dream Crazy, ce film célèbre les sportifs qui donnent tout pour leur sport, au mépris des conventions et des stéréotypes :

Sujet sensible, véritable faille dans la civilisation américaine, camps bien constitués : logiquement la présence de Colin Kaepernick dans ce film met le feu aux poudres… et aux chaussures, certains clients n’hésitant pas à brûler leurs Nike pour signifier leur colère et leur désamour envers la marque.

Geste absurde, comme pointé par l’humoriste Trevor Noah :

Quelques enjeux et enseignements

Prenons un peu de distance, et essayons de tirer les leçons de cet épisode tragico-comique.

D’abord, ne jamais sous-estimer le côté irrationnel dans l’attachement à une marque. Et relire les travaux de Simon Sinek à ce sujet.

Ensuite, c’est apparemment LA grande tendance de la communication : les marques DOIVENT absolument devenir les porte-étendard d’une (ou plusieurs) cause(s) sociétale(s), citoyenne(s) voire politique(s). Nike est coutumière du fait, mais en remet une couche : la marque défend ainsi maintenant l’anti-racisme.

Au-delà du bien fondé pour des entreprises de participer ainsi à la vie de la cité, la notion essentielle dans cette appropriation de causes est celle de la légitimité. Nike est-elle légitime dans la lutte contre le racisme ? Il me semble qu’on peut facilement leur répliquer qu’ils devraient commencer par arrêter d’exploiter des travailleurs à l’autre bout du monde. Ou que leur anti-racisme vient en opposition avec leur uniformisation des modes planétaires qui ressemble fort à une domination culturelle.

Voilà donc pour moi les questions à se poser : nous voulons prendre la parole sur ce thème, sommes-nous légitimes pour le faire ? Y a-t-il quelque chose dans notre business ou dans notre culture qui aille à l’encontre de ce positionnement ? Si vous répondez « moui » à la première, et « oui, mais bon » à la seconde… alors n’y allez pas !

Crédit photo : “Terracotta statuette of a Nike flying” par le Metropolitan Museum of Art (Nikè, la déesse de la victoire !) ; œuvre mise à disposition sous une licence Creative Commons Zéro (domaine public).

One comment to “Colin Kaepernick, Nike et la question de la légitimité”
  1. Pingback: Activisme des marques : axe crédible de communication ou opportunisme déplacé ? | Le blog du Communicant

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