De la lutte contre le greenwashing

« Un but contre son camp ». C’est l’image intéressante qu’un professionnel a employée récemment pour caractériser mon engagement contre le greenwashing. « Et quand est-ce qu’on parle des cas de bonne communication sur votre blog, et pas que du négatif ? », me demande-t-on de temps en temps. J’entends aussi dans certaines agences (qui resteront anonymes) que l’on revendique de ne pas toujours devoir se méfier du greenwashing, qu’on ne peut pas tout s’interdire tout le temps… bref, pas de quoi en faire tout un plat. Y aurait-il une contradiction entre le fait d’être un communicant et celui de dénoncer le greenwashing ?

Je pense au contraire qu’il est indispensable quand on travaille dans la communication et que l’on aborde de près ou de loin les questions liées au développement durable, de participer à lutter contre le greenwashing. Je vois deux grandes catégories de raisons à cela. L’une concerne le bon fonctionnement de mon métier, l’autre l’évolution du développement durable ; cette dichotomie peut aussi s’exprimer ainsi : égoïste/altruiste, professionnelle/militante, interne/externe.

En interne : pouvoir continuer à travailler

Pour étayer quelque peu mon propos, je m’appuie sur deux études récentes. La première, réalisée par Nielsen Online pour la Fédération mondiale des annonceurs en octobre 2009, déjà évoquée ici, nous apprend que la pub française est la plus détestée au monde. Devant tous les autres pays, les États-Unis et leur overdose de pub, les pays émergents qui n’ont pas de culture du consumérisme. Mais pourquoi donc ? Puis-je avancer l’hypothèse audacieuse que le greenwashing joue un rôle dans cette perception ? Toutes les manipulations et représentations trompeuses contenues entre autres dans le greenwashing ne peuvent attirer la confiance, encore moins l’affection.

Le greenwashing est tellement présent dans les grands médias (cf. les campagnes épinglées à juste titre par l’OIP, qui en limite pourtant le nombre) que l’on en est arrivé au stade où le doute pèse systématiquement sur toute utilisation du développement durable dans toute forme de communication (médias ou hors médias). Que les arguments invoqués soient pleinement justifiés ne change rien. Montrer patte verte est de plus en plus délicat. Je me dois de lutter contre le greenwashing, parce que je veux pouvoir aborder ces sujets sereinement, sans suspicion exagérée, avec des marges de manœuvre. Aujourd’hui, l’utilisation de l’argument DD est-il encore une bonne idée ? J’en doute. Je veux pouvoir continuer à travailler, et à valoriser les 3 piliers du développement durable.

Mon travail en dépend d’une autre manière. Seconde étude, celle réalisée tous les ans par TNS Sofres, intitulée Publicité et société, parue en octobre 2009 et déjà abordée ici. Elle nous apprend que depuis 2009, les Français perdent confiance dans les marques, elles les indiffèrent, tout comme la publicité, de moins en moins appréciée. Et la crise ne joue qu’indirectement. Comment ne pas y voir un effet pervers du greenwashing, qui fait dire « si on nous ment sur ça, on doit nous mentir sur autre chose » ? Que le greenwashing affaiblisse ainsi les entreprises, cela me semble être une autre excellente raison de vouloir réduire ce phénomène.

En externe : pouvoir continuer à espérer

Mais au-delà du microcosme « moi/mon entreprise », le greenwashing est aussi dommageable pour l’ensemble de la société. Troisième étude : selon les conclusions générales de l’Observatoire du développement durable piloté par l’Ifop, datées de janvier 2010, si 91 % des Français ont entendu parler du développement durable (contre 33 % en 2002), ils expriment également « à la fois une baisse significative de la crédibilité à l’égard des publicités qui mettent en avant les effets bénéfiques pour l’environnement et une baisse de l’intérêt à en savoir plus sur le développement durable ».

Nous sommes en train de passer de ce qui semblait pouvoir devenir un cercle vertueux (des consommateurs plus avertis -> plus de transparence des marques -> plus de produits éco-conçus, mieux mis en évidence -> des consommateurs sensibilisés, etc.) profitable pour tous, à un cercle vicieux (greenwashing -> défiance des consommateurs -> repli des entreprises -> immobilisme intenable du marché). Ainsi le greenwashing décrédibilise auprès du plus grand nombre les tentatives nombreuses, mais isolées et pour l’instant peu puissantes, de construire une économie plus respectueuse de l’homme, de l’environnement. Si le développement durable est une vaste fumisterie, pourquoi y adhérer ?

En côtoyant les assos environnementalistes, je me suis rendu compte du déséquilibre entre ces deux pouvoirs. Quand le message des écolos a l’occasion de toucher (difficilement) quelques dizaines de milliers de Français, il suffit d’une seule campagne de pubs TV par exemple pour une Volkswagen-Passat-qui-pollue-mais-on-s’en-fout-elle-pollue-un-tout-petit-peu-moins-qu’avant pour que soient générées (facilement) des dizaines voire des centaines de millions d’occasions d’assimiler ce message anti-écolo, qui prétend que tout va bien dans le meilleur des mondes et qu’il ne faut surtout pas chercher autre chose que ce qui domine le marché aujourd’hui. Et c’est sans doute l’impact le plus préoccupant du greenwashing : il empêche ou au mieux retarde les changements de comportements que la société devrait adopter face à l’urgence écologique.

Alors non, je n’ai vraiment pas l’impression de marquer un but contre mon camp en combattant le greenwashing. Plutôt de contribuer, à mon niveau, à une prise de conscience salutaire. Ce blog est une des incarnations de cette volonté. Je continuerai à y aborder ce sujet, pour démonter les mécanismes à l’œuvre, et montrer les alternatives.

Crédit photo : Philipp Mimkes Coordination gegen BAYER-Gefahren www.CBGnetwork.org, sur Wikimédia Commons, image mise à disposition sous une licence GNU FDL.

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4 comments to “De la lutte contre le greenwashing”
    • Héhé, bien vu… Mais non, je ne crois pas être un blackwasher du greenwashing. Ce que j’ai vu cette semaine au salon Produrable m’en a apporté une confirmation de plus. Une déclaration rapide fait souvent office de preuve absolue, mais quand on creuse juste un tout petit peu (et on peut en avoir l’occasion sur un salon), on fait vite la différence entre ceux qui ne sont là que par opportunisme et ceux qui ont une réflexion construite et cohérente.

      Bref, la lutte continue 😉 (oups)

  1. Bravo ton site est super. Je suis totalement d’accord avec toi : A bas le greenwashing! Vive la communication responsable!

    Content d’avoir fait ta connaissance hier 🙂

    Bonne continuation,

    On se reverra sûrement pour enercoop NPDC.

    • Salut Martin !

      J’ai été aussi très heureux de faire ta connaissance. Ça fait complètement sens de rencontrer des libristes comme toi dans une réunion autour des énergies renouvelables. J’espère bien qu’on aura encore l’occasion de se recroiser !

      Et merci pour le compliment… 😉

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