Greenwashing : reculer ou avancer ?

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Le greenwashing est au communicant responsable ce qu’est l’intoxication alimentaire est au restaurateur. Il empêche de mettre en évidence les bonnes pratiques (puisqu’on ne parle que des mauvaises, y compris ici), et il rend suspecte toute tentative d’aller vers la transparence et une plus grande honnêteté dans les messages. Jusqu’ici, la tendance de notre « noble » profession a été de se refermer sur elle-même, afin de pouvoir continuer à greenwasher tranquillement.

Or cette attitude difficilement tenable commence à s’infléchir. Sous les pressions de plus en plus marquées d’ONG, et du grave manque de crédibilité que le greenwashing nous cause, sans parler du cas de conscience qui commence à poindre le bout de son nez (est-ce que je suis prêt à continuer à tromper le public ?), les lignent changent. Imperceptiblement. Il existe des groupes d’évangélistes anti-greenwashing parmi les communicants, certains plus sincères que d’autres. Et il y a ceux qui continuent à s’enfoncer.

Et le prix de l’imposture de l’année est attribué à…

Dans la seconde catégorie, les instances d’auto-régulation de la publicité font fort. Après un bilan fort contestable d’une année entre ARPP et pipeau, nous voilà arrivés au premier anniversaire du déjà fameux Jury de déontologie publicitaire ! Alors bon anniversaire mon grand…

Et pour son anniversaire, le petit JDP a des jolis cadeaux : un article dans le Figaro, où on l’appelle « jury populaire ». Pour le rappel, les jurys populaires sont utilisés dans les procès au pénal, et ils sont composés de simples citoyens nommés au hasard ; le JDP, quant à lui, est constitué de grosses huiles ayant toutes un rapport avec le milieu de la publicité. Dans cet article, on apprend au moins qu’il y a eu 488 plaintes. Seules 285 ont été déclarées recevables (bel écrémage). De ces 285, 188 ont été écartées, inattaquables… Et au final, on arrive à 32 plaintes (et la grosse soixantaine qui reste ?) qui ont donné lieu à un jugement. Donc moins d’une plainte sur 10 est traitée. Nice one.

Second cadeau, ce magnifique article sur Docnews. Tellement magnifique qu’il mérite un décryptage des sous-titres. « Une réponse au besoin d’efficacité et de transparence » : il y avait pression, nous avons juste donné le change. « Un fonctionnement marqué par l’indépendance et l’équité » : nous sommes très indépendants du public, et pour les publicitaires c’est parfaitement équitable. « Des décisions emblématiques et équilibrées » : nous avons fait semblant d’aller un peu dans un sens, un peu dans l’autre, sur très peu de campagnes, mais des campagnes visibles, ce qui nous permet donc de continuer à faire des pubs mensongères en faisant semblant d’avoir sanctionné.

Il y a de l’espoir !

Mais voyez vous, je n’endosserai pas le costume (trop grand pour moi) du râleur impénitent, qui ne voit que du mal partout. Ben non, il y a aussi des bonnes nouvelles dans la lutte contre le greenwashing. D’abord, la bible des communicants, j’ai nommé Stratégies, a mis en ligne un espace pour débattre du greenwashing, à propos d’une récente campagne du Crédit Agricole qui essaie de faire croire qu’il fait du green banking, un peu trop voyante dans son hypocrisie. D’accord, il n’y a pour l’instant aucune contribution au débat, mais que l’organe quasi-officiel du classicisme publicitaire s’en préoccupe, c’est déjà un grand pas.

Plus encore, c’est la réaction de Pierre Siquier, Président de la commission société de l’AACC, qui met du baume au cœur. « Cette campagne va nous valoir (…) des critiques sans fin, non seulement des ONG environnementales mais surtout des détracteurs du métier qui s’en donneront à cœur joie. Le pire viendra surtout du grand public qui décode aujourd’hui tous les messages environnementaux avec beaucoup de lucidité. » Je n’aurais pas mieux dit ! Les pubs pleines de peinture verte, sans que le fond soit vert, nous font du tort. Ce genre de pubs est le produit du système d’auto-régulation, qui fait que tant que nous refuserons d’ouvrir nos portes, nous agirons uniquement dans notre propre intérêt à court terme. Si nous acceptons honnêtement de rendre des comptes, nous serons acceptés par la société, notre métier pourra perdurer… et prospérer.

Crédit photo : woody1778a, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.

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