Définition de la communication responsable (énième tentative)

shutterstock_279475484_smallCela fait des années que je bute sur la définition de la communication responsable. J’ai commencé à y travailler sur ce blog en avril 2009 (tout de même !). Dans « De la publicité à la communication responsable », l’année dernière, j’y ai consacré quelques pages ; la lucidité m’oblige à constater que cette définition est ratée : beaucoup trop longue, trop complexe, voulant tout dire et ne disant au final pas assez.

Beau défi donc que cette définition. Remarquez, cela n’est pas réservé à la seule communication responsable. Comment définir la communication tout court, la communication des organisations ? Cela non plus n’est pas évident. J’en connais une excellente définition, et pour cause puisqu’elle est donnée par Thierry Libaert, pour qui « [la] communication des organisations est le processus d’écoute et d’émission de messages et de signes à destination de publics particuliers et visant à l’amélioration de l’image, au renforcement de ses relations, à la promotion de ses produits ou services, à la défense de ses intérêts. » Définition redoutable de précision, parfaitement franche, mais peut-être un chouia longue.

Pour bien définir, essayons de nous poser les bonnes questions : en simplifiant, qu’est-ce qui fait l’essence de la communication responsable ? Sa différence fondamentale ? La clé de voûte ? LE point qui déclenche tous les autres ?

Voici donc une nouvelle proposition de définition de la communication responsable : « la communication que l’on peut croire ». Tout simplement.

En filigrane, tout y est : la défiance actuelle des publics envers les annonceurs et envers la communication, et donc la volonté au contraire de créer de la confiance ; la nécessité de parler vrai, en partant à la fois de la réalité du produit ou du service et de l’expérience des publics ; l’indispensable apport de preuves, et la non moins indispensable cohérence. J’y inclus aussi, même si c’est moins explicite, un dialogue avec les publics plus réel et plus nourri. En creux, on perçoit bien qu’un certain type de communication ne peut pas prétendre être de la communication responsable (vous dites-vous « oui, je peux les croire » en regardant un tunnel publicitaire à la télé ?). Au-delà, cette définition implique que l’important n’est ni l’éco-conception des supports (je me « radicalise » sur ce point…) ni de caser à tout prix des arguments RSE. Et puis, quel beau projet que vouloir que l’on nous croie ! Quel changement cela serait !

La grille de lecture que cette définition donne me semble vraiment opérante. Elle dépend des publics, de leur référentiel. Les ingrédients pour être cru varient selon le domaine. Cette définition s’applique à tous les types de communication, de la publicité à la communication de crise. Bref, on tient quelque chose. Toutes les suggestions d’améliorations et toutes les oppositions sont bienvenues !

Un dernier mot : l’article s’appelle « énième tentative », ce qui pourrait surprendre ceux qui voudraient voir quelque part dans ce bas-monde des certitudes, au moins sur le sujet de la communication responsable ! Mais c’est justement tout l’intérêt de la chose : d’une part la communication responsable telle que je l’entends, telle que nous l’entendons, est un phénomène récent, et très exactement une réponse à l’irruption dans la communication des organisations d’Internet et de la préoccupation environnementale, et on continue à mesurer les conséquences de ces deux changements. D’autre part, la communication responsable est tout sauf figée, gravée dans le marbre. Work in progress! Vive l’expérimentation, la recherche, le décloisonnement, les apports venant de la sociologie ou du monde des startups, et vive Internet, qui redéfinit tellement notre métier. Alors, pour la définition de la communication responsable comme pour ses multiples applications : explorons, inventons et donnons du sens !

Crédit photo : des cordes symbolisant la confiance et l’interdépendance, sur Shutterstock.

5 comments to “Définition de la communication responsable (énième tentative)”
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  2. C’est rare, je n’adhère pas à ton concept de communication responsable qui se traduirait par communication que l’on peut croire.
    Je peux croire à une communication à laquelle tu ne croiras pas. Dans ton approche, la perception du public est au centre, alors qu’il ne me semble pas que la communication responsable relève de cette intuition propre à chacun. Selon moi la communication responsable EST (ou n’EST PAS) responsable, sans spectre, sans voile qui pourrait altérer le discernement du public. Pourtant la réalité n’est pas réelle… 😉

    • Salut Céline !

      Je trouve ça très sain, qu’on ne soit pas d’accord sur tout 🙂

      Tu as parfaitement raison de dire que la perception du public est au centre de cette définition. C’est voulu. Il me semble évident que certains messages « passent » auprès d’un certain public, et pas auprès d’un autre (ou d’autres). De même, avec le temps, la perception d’un public évolue. Cette définition reflète la tension entre les attentes des différents publics.

      En même temps, il y a un jeu avec le mot « peut ». C’est l’inverse de « je ne peux pas le/y croire ». La communication que l’on ne peut manifestement pas croire, ce n’est pas de la communication responsable. Mais cela reste sujet à interprétation. Ce que certains décrivent comme communication responsable, toi et moi trouvons que c’est du gros bullshit : c’est la preuve qu’il n’y a pas de communication responsable dans l’absolu. La définition que je donne laisse délibérément beaucoup de place aux « niveaux de gris ».

      Mais pour que l’on puisse croire la communication, certaines bases me semblent indispensables. Comment croire une campagne qui n’affiche pas de preuves ? Et quand ces preuves sont fausses ? Quand on ne peut pas échanger avec l’annonceur ? Etc. Pour moi, c’est ça, l’essentiel : donner aux publics les éléments qui feront qu’ils auront confiance en l’annonceur. Accessoirement, cela n’a plus rien à voir avec la communication RSE. Tant mieux.

  3. Je suis d’accord avec tes zones de gris! Cependant je bute quand même avec ce mot « croire ». « Je peux ou ne peux pas croire » me renvoie à la crédulité et par ricochet à la méfiance. De fait, si « je peux y croire » j’entends qu’il y a un sacré risque que je me fais berner.

    D’autre part cela me gêne de donner une part de responsabilité au récepteur et à sa capacité de discernement. Le publicitaire doit s’adapter à son public et s’adresser à lui de façon à être compris sans risque d’incompréhension.

    Le jambon sous vide naturel, certains consommateurs semblent y croire. Il manque à Herta (et tellement d’autres) ces fameuses bases indispensables.

    Malgré les zones de gris, je crois :p que la communication responsable ne peut pas être seulement la communication que l’on peut croire, il manque cette base indiscutable.

    La communication responsable ne serait-elle pas simplement la communication vraie?
    Conforme à la réalité, qui n’implique pas de contradiction et à laquelle l’esprit ne peut se souscrire. Qui est bien conforme à son apparence. Qui se comporte avec franchise et naturel. (Merci Larousse)

    • Ah, intéressant, ce débat ! Merci à toi, ça fait vraiment avancer le schmilblick.

      Petite référence littéraire que je tire d’un passé bien lointain : pour Coleridge, la littérature a besoin pour fonctionner de ce qu’il appelle « willing suspension of disbelief » (pas besoin de traduire), par laquelle le lecteur accepte de mettre entre parenthèses son esprit critique et sa logique, condition indispensable pour qu’il puisse être transporté, s’immerger dans la lecture, et en ressentir la poésie. Peu importe que ce soit improbable, on est dedans. C’est pareil pour le théâtre, le cinéma, etc.

      La communication procède aussi d’un contrat entre deux parties. Pour continuer en anglais (je ne sais pas pourquoi !), il y a un proverbe qui dit « it takes two to tango ». Bien sûr qu’il est question de croire, ce qui peut aller jusqu’à la crédulité. Et cela dépend énormément du récepteur du message. C’est lui qui décide (consciemment ou pas) quand il se satisfait de la présentation de l’annonceur, quand il décide d’y croire. Parfois il faut peu de choses, parfois beaucoup. Toi aussi, tu as un certain niveau d’exigence (et même un niveau certain ! Parmi les plus élevés). Ma définition prend le parti de dire qu’il y a un seuil à partir duquel « on ne peut plus y croire ». Et c’est sur ce seuil qu’il faut travailler : où on le met, par quoi on le définit, de quels éléments on a besoin pour que les publics à qui on s’adresse (et avec un peu de chance et de vista tous les autres) aient confiance. Notre boulot, c’est de bien connaître nos publics, et savoir ce qu’il leur faut comme degré de précision et comme preuves. Non pas pour berner, mais pour trouver le meilleur point de rencontre entre les différentes réalités et les différents intérêts.

      Ce serait même assez dangereux de vouloir faire croire (tiens, encore une croyance 😉 ) qu’il existe une base indiscutable chez chaque annonceur. Tout est discutable. Tout est variable. Tout peut être perçu différemment. Et ça dépend toujours du destinataire du message.

      J’ai un problème avec la « communication vraie ». C’est quoi, selon toi, vrai/pas vrai ? Extrêmement subjectif ! Et puis, la communication, pour être efficace, tend vers la brièveté. Or la vérité, c’est l’inverse, elle a besoin de beaucoup de détails et de précisions. Donc est-ce qu’on se condamne pour faire de la communication responsable à faire de la communication moins efficace ? Thierry Libaert a écrit plusieurs fois sur cette notion de vérité en communication ; pour lui, il vaut mieux remplacer la vérité par un effort pour « ne pas induire en erreur » – c’est fondamentalement différent. Pour moi, « la communication que l’on peut croire », c’est la communication qui n’induit pas en erreur.

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