Les logos de l’élection présidentielle 2017 : illustration du malaise

Puisque la communication responsable consiste à communiquer de manière responsable, quel que soit le sujet, voyons voir si les partis et les candidats de la prochaine élection présidentielle pratiquent une communication responsable. Ma réflexion se limite à un seul élément : les logos, et uniquement pour les candidats ayant une chance raisonnable de l’emporter. La forme reflète-t-elle le fond ? Spoiler alert : les candidats s’évertuent à nous donner des (bonnes) raisons de ne pas leur faire confiance.

Hamon

Mon intérêt pour le sujet a commencé par une découverte récente : le parti socialiste a changé son logo. Quand ? Difficile à dire. Cela s’est fait discrètement, sans bruit… mais d’une façon qui interpelle.

Ce nouveau logo, le voici :

On a trouvé un roi au pays du n’importe quoi ! D’abord, techniquement, c’est du très bas de gamme. J’espère sincèrement que le parti n’a pas dépensé un euro pour cette nouvelle version : elle ne vaut pas plus.

La feuille ajoutée à la va-vite fait penser au logo de la COP21, avec la même faiblesse conceptuelle. La même réduction de l’écologie à la nature, la même vision lénifiante et enfantine. Mais que dire de la baseline : social-écologie ??? Avec écologie en gras, pour dire « on est vraiment incroyablement écolos ». Cela correspond au projet de Benoît Hamon, personne ne peut le contester. Dans ce cas le logo aura été légitime en avance (interprétation clémente !). Mais voilà, il a été adopté bien avant la primaire, et à ce moment-là il était un sommet d’illégitimité. Ce logo reste une criante illustration du rafistolage idéologique du PS, qui a eu une identité claire et forte… mais n’en a plus.

Le PS poursuit dans le n’importe quoi avec le logo de sa primaire :

Les couleurs arc-en-ciel veulent donner une impression de pluralisme, voire d’universalité. Le PS qui regroupe toutes les couleurs ? Bien sûr que non ! Sa volonté d’hégémonie à gauche est un invariant, et la désunion de la gauche n’a jamais été aussi manifeste. Je passe sur le nom, ne tirons pas sur l’ambulance, elle est déjà suffisamment déglinguée.

Quant au logo de Benoît Hamon, c’est un hashtag vert :

Simple prolongement du nouveau logo du parti… Au final, c’est la dissonance entre ces différentes visions du PS qui ressort. En fait, le problème de Hamon, c’est le PS. Un parti qui ne le suit pas, qui ne veut pas du projet que son candidat porte, et fera tout pour le réorienter. Et un parti dont les pratiques passées ne laissent pas augurer du meilleur.

Fillon

Pas de chance, le logo des Républicains était le logo le plus classique, le plus « sans surprise ». Du bleu blanc rouge, patriotisme light, conservatisme tranquille, autorité républicaine. Sauf que, là aussi, l’affaire Fillon (ou plutôt les affaires Fillon) vient mettre en lumière l’imposture derrière ce positionnement.

Les Républicains, défendre la France ? Quelle blague ! Ce que défendent ses dirigeants, c’est avant tout eux-mêmes. Les intérêts particuliers avant l’intérêt général, la famille avant le pays. Les faits font que ce logo n’inspire décidément pas confiance : à chaque fois que je le vois, je ne peux pas m’empêcher de le voir comme une façon de se cacher derrière le drapeau pour mieux tricher. Bref, là aussi, ne tirons pas sur l’ambulance plus que nécessaire.

Le logo du candidat des casseroles n’appelle pas à plus de commentaires : il est une version raccourcie et « fillonisée » du logo des Républicains.

Mélenchon

À l’autre extrême en termes de conception de logo, celui de Mélenchon est une merveille de capillotractage et de nœuds au cerveau.

Même l’explication donnée par le candidat en octobre dernier se perd en explications contradictoires. La lettre grecque phi serait à la fois « un appel à la sagesse et à l’harmonie », « le FI de France insoumise », une référence à la démocratie grecque… bref, un sacré fourre-tout qui plane un peu à 15 000.

Phi, c’est surtout le symbole de la philosophie.

Et de fait, le logo mélenchonien illustre à merveille la tare du candidat : on est dans la démarche intellectuelle, les grands principes, un certain romantisme révolutionnaire à la française… mais certainement pas dans la volonté de gouverner. Comme les philosophes, discourir sur le réel, pas le modeler. Gouverner, ce n’est pas philosopher. Les philosophes me tomberont certainement sur le râble pour ce jugement négatif, peu importe. Mon propos est de constater que Mélenchon est un candidat des belles idées (dans le sens d’une cohérence intellectuelle – aucun jugement de valeur), très semblable à Besancenot il y a quelques années.

Macron

Macron, c’est la startup, avec tous les problèmes qu’elle entraîne. Je vous l’apprends peut-être, mais lui aussi a changé de logo. En pleine campagne. Le premier :

Et le second, adopté courant février :

Le premier semble tiré d’une liste de logos pour startups (avec MailChimp, on n’est pas si loin !) ou d’une autre, ou carrément sur Etsy. Pour le suivant, on sent une recherche de plus de sérieux, de crédibilité.

La comparaison avec la startup me semble toucher juste. Plus précisément : c’est une startup qui lance un MVP. C’est quoi, ce truc ? Le MVP, Minimum Viable Product, produit minimum viable en bon français, est la version la plus simple d’un produit à présenter aux clients potentiels pour tester leur intérêt. Une simple vidéo, ou un site web sans contenu réel, peut parfaitement servir de MVP. Cela crée de la demande, sans qu’il y ait rien de concret derrière. On verra après pour la vraie réalisation, l’essentiel est de confirmer la marque d’intérêt. On pourra changer des choses, comme le logo de Macron a pu changer. Et les startups ont parfois des financements douteux…

Oui, la comparaison est juste : avec Macron, il n’y a rien de concret. De vagues intentions, des grands discours, qui souvent ne veulent rien dire ou se contredisent. L’image est bien travaillée, mais on voit bien ce qu’on a eu en élisant des belles images. Outre l’image, la candidature Macron repose sur 2 points extrêmement fragiles : l’attrait de la nouveauté, et le ni gauche ni droite.

Pour la nouveauté, on repassera. Vous avez aimé le quinquennat Hollande ? Vous adorerez le quinquennat Macron ! C’est rigoureusement identique, les mêmes mensonges et reniements, les mêmes recettes inefficaces et la même gouvernance technocrate. Macron, c’est du flanby décomplexé. Quant au ni gauche ni droite, ce positionnement est grotesque : Macron prône une politique de droite, tout comme Hollande a fait une politique de droite.

Alors, voter pour ce pro de l’entourloupe, juste parce que les instituts de sondage veulent nous faire croire que c’est le meilleur choix tactique ? Avec la fiabilité récente des sondages ? C’est un peu court comme motivation. Une startup, cela s’arrête du jour au lendemain. Un pays, non.

Le Pen

Attention, on entre ici dans une autre dimension. Si pour les autres logos, la manipulation est, bien que manifeste, plus subtile, au FN, on donne dans le foutage de gueule, de manière revendiquée, éhontée, au grand jour. Je passe sur le logo du FN, pour me concentrer sur celui de la candidate :

D’abord, il ne s’agit plus du FN, dont le nom a disparu, mais de Marine. Même pas Le Pen. Dédiabolisation, encore : n’oublions jamais que Marine, c’est le clan Le Pen, c’est l’extrême droite, et le cœur de son corpus idéologique est le racisme, l’intolérance, le rejet des autres, l’anti-républicanisme. Tous ceux qui veulent l’oublier par naïveté ou par rejet des autres candidats sont des cocus en puissance. Cette identité violente et destructrice leur reviendrait à la figure, comme un certain nombre d’électeurs de Trump commencent maintenant qu’il est au pouvoir à se rendre compte qu’ils ont peut-être manqué de jugeote.

L’essentiel, dans ce logo, c’est cette fameuse rose bleue. Imposture absolue. La rose, symbole du PS et des luttes sociales. Un symbole que la gauche dite de gouvernement a trahi depuis bien longtemps, mais le FN est-il légitime pour le récupérer ? Pas un seul instant. Là aussi, les électeurs risquent une belle désillusion. On le voit à tous les échelons où le FN exerce le pouvoir, et par anticipation on le voit avec Trump, qui applique à l’échelle d’un pays un populisme comparable. Le constat est flagrant : plus qu’aucun autre parti, le FN au pouvoir commence par se servir et par servir ses amis. Penser que le fait que le FN n’ait pas encore gouverné le pays soit une bonne raison pour leur accorder une chance, c’est préférer le pire au mauvais.

Torts partagés

Le constat que je tire de l’étude de ces logos, c’est aussi mon constat général face à cette présidentielle. Aucun(e) candidat(e) ne suscite mon enthousiasme. Pire, pour aucun(e), je ne me dis « je peux lui faire confiance ». Pour la communication responsable, on repassera.

Le problème ne réside pas seulement dans leur communication – et ici, je dirais même que la communication est un problème bien secondaire. Le constat est simplissime, notre pays est corrompu jusqu’à la moelle. Le vrai problème, ce sont nos institutions : la Vième république n’est absolument plus adaptée à notre siècle et à nos attentes. La démocratie doit pouvoir mieux fonctionner, avec des citoyens plus présents et plus impliqués, avec des hommes politiques moins carriéristes, des contrôles anti-corruption drastiques, un contrôle de la réalisation des promesses, des médias que l’on inciterait à faire un vrai travail journalistique de qualité (et donc l’interdiction des sondages en période de campagne électorale).

Ceci étant posé, notre système politique ne doit pas nous exonérer de nos propres responsabilités. Le système est aussi mauvais parce que nous, collectivement et individuellement, les citoyens de ce pays, nous l’avons laissé s’installer et installer ses déviances. S’il ne nous convient pas, c’est à nous de le changer. Impliquons-nous, allons dans les lieux de pouvoir pour comprendre leur fonctionnement… et pour les faire évoluer. Faisons pression. Demandons des comptes.

Nous sommes également co-responsables du dévoiement du vote. Les électeurs votent-ils actuellement selon leurs convictions ? Bien sûr que non. Le vote a deux modalités principales, aussi destructrice l’une que l’autre : le vote tactique, et le vote pour notre intérêt personnel. Macron est porté par le vote tactique : soi-disant le mieux placé pour battre Le Pen… alors que sa candidature ne satisfait réellement qu’une extrême minorité ; les interviews de ses supporters sont révélatrices de ce vide idéologique et de ce trop-plein tactique. Nous devons voter sincèrement et sans calcul, et nous devons voter pour l’idée que nous nous faisons du pays, pas seulement pour que notre petit confort soit amélioré. Et si votre idée de la France est celle que défend Poutou ou Cheminade, eh bien votez Poutou ou Cheminade ! Au moins votre voix aura servi à soutenir leurs idées.

Puisqu’on y est, je ne peux pas ne pas mentionner l’éléphant rose dans la pièce (traduction peu heureuse de « the elephant in the room »). Le premier parti de France n’a pas de logo, pourtant c’est lui qui décide quasiment toujours le sort du pays. Il s’agit bien sûr de l’abstention. Que l’élection de Donald Trump, que le Brexit, et tant d’autres, nous servent de leçon ! Aucune de ces tragédies n’aurait eu lieu sans une forte abstention. Ne pas voter, c’est faire l’élection de Marine Le Pen, avec des dégâts qui seraient extrêmement compliqués à réparer (je rappelle que l’incompétent qui nous a servi de président récemment a reconduit l’état d’urgence jusqu’en juillet, donnant ainsi les pleins pouvoirs au prochain exécutif). Le scrutin est mal conçu, certes, c’est tout le système qui doit être rebâti, certes, mais quand nous nous abstenons, c’est vers la catastrophe que nous allons. Le danger n’a jamais été aussi grand.

Des raisons d’espérer

L’espoir, parce qu’il y en a, je le vois avant tout dans les initiatives citoyennes. Ma voix, LaPrimaire.org, et pas mal d’autres, qui veulent donner à la démocratie un nouveau souffle, en redonnant aux élus un ancrage et une responsabilité devant leurs électeurs.

Hélas, d’une part ces initiatives ont commencé trop tard pour avoir la moindre influence, et d’autre part c’est toujours quand les mouvements grandissent (ce que je leur souhaite) que l’on voit ce qu’ils ont réellement dans le ventre, avec malheureusement souvent des déceptions. Mais l’avenir est là, dans cette urgence d’une démocratie plus représentative.

Dernière source d’espoir : le sursaut des consciences. Naïveté ? Certainement pas. Les derniers votes nous l’ont bien montré : rien n’est joué d’avance. Rien n’est écrit. Ne croyons pas les sondages. Les belles surprises existent, à nous de démentir les pronostics. Le pire serait d’être indifférent.

Crédit photo : Daniel Huizinga, sur Flickr ; image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by (et renversée par mes soins).

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