ORCO 2010 : bilan d’une conférence sur le greenwashing

Le 12 février dernier, j’étais à l’université Paul Valéry de Montpellier dans le cadre du colloque annuel ORCO (Observatoire régional de la communication des organisations), consacré cette année à la communication responsable. J’y ai donné une conférence sur le greenwashing, puis animé la discussion qui s’en est suivie, à propos de la communication irresponsable.

Avant tout, un grand merci à l’équipe d’organisation, à savoir les étudiants du master 2 « Communication des organisations » et leurs encadrants, spécialement Sophie Vaillies. Ce fut une journée conviviale, bien structurée, et surtout son contenu fut très riche. Les professionnels étaient nombreux, et les échanges de points de vue ont été francs, directs, allant parfois jusqu’à l’opposition, mais en tout cas toujours solidement argumentés. Il est toujours agréable de se confronter à d’autres points de vue, d’autres conceptions du métier, d’autres définitions de mots que l’on emploie souvent machinalement… J’aurai l’occasion d’y revenir dans plusieurs articles ultérieurs.

Je souhaitais partager le diaporama sur lequel je me suis appuyé pour la conférence sur le greenwashing. J’ai choisi de parler de ce phénomène, parce qu’il me semble crucial de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un problème à poser dans des termes de morale, de bien ou de mal, mais que cette pratique a toute une série de conséquences négatives pour toutes les parties prenantes, de l’image que l’on donne de notre métier de communicants, en passant par celle de l’entreprise, et enfin la dégradation du lien de confiance que pourrait générer une communication responsable.

Voici donc le diaporama, n’hésitez pas si vous voulez des précisions sur le contenu qui se cache derrière telle ou telle page !

Crédit photo : Wolfgang Staut, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.

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17 comments to “ORCO 2010 : bilan d’une conférence sur le greenwashing”
  1. J’aurai aimé avoir eu ce genre de cours dans mon Ecole! A la fois poétique et très terre à terre 😉
    Serai-ce possible d’avoir des précisions concernant le slide des Conséquences du greenwashing? peut-on trouver ces études sur Internet? Je n’ai trouvé que des articles qui en parle mais sans grande précision.
    Et la communication, alors, information ou manipulation?!!!
    A très bientôt!

    • Moi, poétique ? Ça doit être une erreur… 😉 Merci pour le compliment !

      Les conséquences internes : la pub française est la plus rejetée au monde (étude Nielsen Online, qui a été reprise par le Figaro, puis par moi-même, un résumé est quelque part sur la toile), on se demande bien pourquoi… et on en arrive à un stade où, parce que les cas de greenwashing sont dans les médias les plus visibles, le soupçon pèse sur chaque tentative d’utilisation de l’argument écologique, qu’il soit légitime ou pas. Autre conséquence interne, maintenant pour les entreprises, c’est celle mise en évidence par l’étude TNS Sofres-Australie : depuis 2009, il y a une perte de confiance dans les marques, qui ne convainquent plus. Je pense là aussi que le greenwashing n’y est pas étranger. L’étude est sur le site de TNS Sofres.

      Quant aux conséquences externes, eh bien nous sommes en train de passer de ce qui semblait pouvoir devenir un cercle vertueux (des consommateurs plus avertis -> plus de transparence des marques -> plus de produits éco-conçus, mieux mis en évidence -> des consommateurs sensibilisés, etc.) à un cercle vicieux (greenwashing -> défiance des consommateurs -> repli des entreprises). Ainsi le greenwashing décrédibilise auprès du plus grand nombre les tentatives nombreuses, mais isolées et pour l’instant peu puissantes, de construire une économie plus respectueuse de l’homme, de l’environnement. Si l’écologie est une vaste fumisterie, pourquoi y adhérer ?

      J’ai eu à peine fini ma question « info ou manip » que les réponses ont fusé parmi les professionnels présents. Visiblement, c’est un peu un tabou. Surtout, surtout ne pas admettre qu’il peut exister une part de manipulation dans notre métier. C’est tellement polémique que ça mérite un article entier. Et toi, à brûle-pourpoint, qu’est-ce que tu en dis ?

  2. Oui, poétique pour le titre du diaporama: balle dans le pied et passoire dorée à l’or fin… en fait on dirait le titre d’un conte 😉
    Merci pour ces précisions! Je suis tout à fait d’accord avec cette histoire de cercle vertueux qui s’est finalement transformé en cercle vicieux.
    Au sujet de la question « info ou manip » je comprends que le sujet soit tabou! C’est tout un corps de métiers, tout un secteur qui est remis en cause, et même tout le fonctionnement d’une entreprise qui pour exister doit communiquer-absolument, sinon elle meurt!
    Pour moi la com’ c’est sans aucun doute de la manipulation. Car lorsqu’on délivre de l’information ça ne peut jamais être neutre, même quand on le souhaiterait! Moi-même dans mon blog je souhaiterai « informer » et non « communiquer », qui induit de vouloir faire passer un message, MON message.
    Une agence de com’, lorsqu’elle communique sur un produit, une marque, une entreprise, elle doit établir dans sa stratégie un parti pris. Ce n’est alors plus de la simple diffusion d’information. Mais tout dépend de ce qu’on entend par manipulation! La com’ manipule dans le sens où elle veut diriger les gens dans un sens ou un autre, que l’on aura déterminé. Mais elle n’a pas vocation (normalement!) à tromper les gens!

    • Nickel, je te rejoins sur ta conception de la communication… notre travail implique forcément une dimension de manipulation. Autant en avoir conscience, ne pas se le cacher. Après, cela nous confère une vraie responsabilité : ne pas faire n’importe quoi avec le pouvoir que nous avons.

      Bon, on est au moins deux à penser la même chose 🙂

  3. bonjour et merci pour ton blog, passionnant !
    pourrais tu détailler en quoi la pub de la mercedes « premier de la classe » et la pub Herta « pseudo-engagement » car ce sont les seules que je n’ai pas comprises ? Merci d’avance !

    • Merci pour le compliment ! Voici les précisions demandées :

      Mercedes : c’est vrai qu’il faut pouvoir lire les détails pour comprendre. Le visuel est au bas de la page suivante (au passage, pour le Jury de déontologie publicitaire, cette insertion ne pose aucun problème, c’est une de ses décisions qui montre le mieux son incompétence et son manque d’objectivité). Il y est écrit « Nouvelle Classe S400 hybrid : championne du monde de sa catégorie en émissions de CO² et en consommation », et « de nouveaux jalons en terme de mobilité durable », le tout couronné par une conclusion énorme : « Confort de conduite absolu et haut niveau de performances ne sont plus incompatibles avec respect de l’environnement ».

      C’est ce que j’appelle « premier de la classe ». Oui, cette berline de luxe fait sans doute mieux que ses concurrentes directes en termes d’écologie. Mais avec quelles chiffres ? 186 g de CO² par kilomètre, et « seulement » 7,9l/100 km de consommation, chiffres tous deux minorés car correspondant à un cycle normalisé (donc encore largement en-dessous de la réalité). Est-ce qu’on peut parler de respect de l’environnement quand on pollue autant ? Évidemment non. C’est là que réside le greenwashing. Faire mieux que les autres ne veut pas dire que l’on fait bien.

      Herta : je te renvoie à la très bonne analyse produite par l’OIP. Le pseudo-engagement réside dans le 100% naturel revendiqué par la marque. Cette mention n’oblige à rien, elle n’est pas contrôlée par une norme reconnue (très exactement, Herta paie un organisme certificateur externe, mais sur un cahier des charges qu’elle a elle-même défini, ce qui revient strictement à la même chose), bref rien à voir avec des obligations légales ou des certifications genre bio. Herta fait comme si elle s’engageait, mais comme elle ne s’engage sur rien de solide… et là, il y a vraiment anguille sous roche (baleine sous gravillons, du mou dans la corde à nœuds, ou toute autre expression équivalente) : avec Herta, on est dans le monde de l’industrie alimentaire, donc production de masse, agriculture intensive, réduction des coûts à tout prix, standardisation, mécanisation. Dans ce contexte, les bouteilles de soupe qui poussent dans un petit potager tout mignon, avec tout ce qui évoque les bonnes soupes faites maison avec les légumes du jardin, c’est une puissante arnaque. Le mot « greenwashing » ne relate alors pas suffisamment l’ampleur de la manipulation, mais il a l’avantage de frapper les esprits !

      J’espère t’avoir éclairé sur ces deux types de greenwashing. Ce sont des catégories que j’ai élaborées un peu à la bonne franquette, je n’ai pas la prétention de l’exhaustivité.

  4. Merci pour tes compléments instructifs.
    Le cas de Herta (100% naturel) me fait penser aux produits Innocent (smoothies), qui se targuent également de ce même argument (et aussi 100% sain :)).
    En dehors de l’ARPP , qui, au niveau de l’état, contrôle et « peut » empêcher ces dérives ?

    • Tout-à-fait d’accord pour les smoothies, à Innocent les mains pleines…

      Au niveau de l’État ? Euh… personne. Il y a certes la loi sur la publicité mensongère, précisément les articles L. 121-1 à 15 du Code de la consommation (livre Ier, titre II, chapitre Ier, section 1, sous-sections 1 et 2 😆 ), mais il faut si je ne me trompe pas que la DGCCRF soit à l’origine de l’action (ils ont d’autres chats à fouetter que de regarder toutes les publicités litigieuses), ou alors qu’il y ait un préjudice démontrable par le plaignant. En tout cas, une démarche forcément longue et fastidieuse, et je n’ai connaissance d’aucun jugement récent. On peut même aller jusqu’à parler de législation quasiment inapplicable.

      Malheureusement, la seule régulation « active«  (avec de gros guillemets) est l’auto-régulation publicitaire, que j’ai décortiqué et mis à nu dans un article qui n’a pas été infirmé. S’il n’y a pas plus de dérives, c’est à cause de la pression des ONG (assos de consommateurs, environnementales, OIP) et de la limite interne que se fixent les publicitaires.

  5. Bonjour,
    Je suis fortement intéressée par le Greenwashing et ses conséquences, je suis entrain de faire mon mémoire de dernière année d’étude sur ce thème. J’aurai aimé consulter la vidéo de cette page mais le lien ne marche pas. Pourriez-vous me le renvoyer par mail, svp?
    Merci beaucoup
    Votre blog est très intéressant!

    • Absolument ! Dans ma bibliothèque, quelques essentiels :
      La communication responsable, d’Alice Audouin, Anne Courtois et Agnès Rambaud-Paquin, aux éditions Eyrolles ;
      – chez le même éditeur, Le Guide de l’éco-communication de l’Ademe ;
      – le très inspirant recueil d’actes d’un colloque de 2006, Développement durable et communications, sous la direction de Solange Tremblay, aux Presses de l’université du Québec ;
      évidemment, Écoblanchiment, quand les 4×4 sauvent la planète, de Jean-François Notebaert et Wilfried Séjeau, aux éditions Les petits matins ;
      – et pourquoi pas les Clés pour une communication responsable 2009, de l’UDA, avec Ethicity et l’Ademe.

      Avec ça, il y a déjà de quoi se faire quelques nuits blanches à cogiter sur le sujet… Vous avez aussi ma webographie, avec un joli petit paquet de sites pour nourrir votre réflexion.

  6. Bonjour Yonnel,

    Je fais également mon mémoire sur ce sujet… Je voudrais savoir s’il est possible d’avoir quelques détails sur la partie historique du terme. Je trouve plusieurs origines sur internet et je voudrais savoir la véritable origine de ce terme. Merci d’avance
    Je serai aussi ravie de partager mes idées avec Chloé qui fait le même mémoire que moi
    A bientot et bonne journée

    • Bonjour Elyne, et merci pour ton commentaire !

      C’est vrai que l’origine de ce terme n’est pas très bien établie. Je ne peux qu’en donner une interprétation personnelle, celle que je me suis construite grâce à un bon petit paquet de lectures sur le sujet. Bon, et aussi dans une autre vie, j’avais obtenu une maîtrise d’anglais en lexicographie bilingue et traduction technique. 😉

      Il me semble que greenwashing est un dérivé de whitewashing, et en aucun cas la contraction de green + washing. C’est plutôt green + whitewashing. Et whitewashing, dans son sens premier, c’est le fait de badigeonner à la chaux les murs en mauvais état. Un coup de chaux, et hop ! le mur paraît comme neuf. Sauf qu’en-dessous, il est tout pourri. Figurativement whitewashing est souvent utilisé pour qualifier l’attitude de politiciens ou d’hommes d’affaires véreux qui se refont une légitimité à bon compte (toute référence à l’actualité de ces derniers jours serait entièrement fortuite). L’application de cette critique à l’écologie est d’une logique implacable.

      Alors quand je vois un cas possible de greenwashing, je pense au mur, je me demande s’il est pourri ou pas, et s’il y a volonté de cacher quelque chose, de maquiller la réalité pour le rendre plus vert qu’il n’est. C’est une très bonne méthode d’analyse. Maintenant, si tu veux, on peut parler des éléments qui me font dire que c’est cette étymologie que je favorise.

      Je t’encourage à rentrer en contact avec Chloé, excellente idée. Vous êtes, vu de ma lorgnette, de plus en plus d’étudiant(e)s à vous intéresser à la communication responsable, je ne vais pas m’en plaindre. La question que je me pose, c’est comment aller un poil plus loin, fédérer efficacement les étudiants autour de cette pratique professionnelle, à la fois pour nourrir les réflexions et faire grandir cette tendance. Y’a un truc à faire.

  7. Merci beaucoup pour votre réponse si rapide.
    J’ai aussi entendu que le mot Greenwashing est apparu dans le journal Mother Jones, mais je n’arrive pas à savoir ce que disais le contenu de l’article. Auriez vous des détails à me communiquer?
    En tout cas merci pour votre blog qui est un réel plaisir. Les infos sont claires et pertinentes et ceci est rare sur internet.
    Bonne journée à tous

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