Sauver les marques et la communication – autrement

En écrivant un commentaire au très intéressant article intitulé « Sauver les marques et la communication », je me suis vite rendu compte que je dépassais largement le cadre d’une simple réponse de quelques lignes. Voici donc une réponse devenue tribune.

Pour ceux qui ont la paresse d’aller le lire (ils auraient tort), l’article analyse l’évolution récente des marques, mises sur la sellette à la fois par Internet et le développement durable, et suggère des pistes d’évolution pour la communication de marque. J’étais assez d’accord avec le propos… jusqu’aux exemples censés illustrer les nouveaux « contrats d’expérience » entre marques et clients, les premières s’étant engagées sur des sujets sociétaux. Des exemples qui sont presque tous des contre-exemples flagrants :
– Heineken et Ariel ont des activités anti-DD (l’une consomme énormément d’eau, l’autre la pollue) ;
– Bonduelle et Béghin Say pour l’innovation, rien à redire !
– Oasis part de loin question qualité (du sucre, un goût assez peu naturel, des fruits indéterminés), et que dire de McDo ? La malbouffe, les McJobs ?
– Kronenbourg et l’éthique, c’est comme Dassault et la paix, Apple et la liberté des utilisateurs, Lada et le luxe… ça ne va pas ensemble ;
– Pampers a une drôle de notion du respect du consommateur, à base de chimie et de dérivés du pétrole appliqués directement sur les fesses des bébés.

Ces marques ont en commun d’avoir revendiqué des valeurs, d’avoir pris des postures, en total décalage avec ce qui les définit le plus profondément, avec leur ADN de marque. En cela, elles cèdent à la pression de l’époque, de ce qu’elles croient que leurs clients leur demandent ; est-ce une résistance qui leur permettra de survivre ou un affaiblissement de leur identité qui les perdra ?

 

La culture… de l’éthique

Le problème me semble moins résider dans la communication de marque que dans le concept tout entier. Beaucoup des marques citées sont sur des concepts très XXème siècle, et ne sont pas durables, que l’on prenne ce mot dans son sens « développement durable » ou dans le sens de la durée. La croissance sans fin des marques globales est une illusion.

Certaines sont donc dans le changement cosmétique pour faire passer la pilule, mais d’autres ont amorcé un changement timide mais profond, comme Danone, qui en rachetant Stonyfield en 2001, assimile lentement un autre modèle. Cela a donné Les 2 vaches en France, Belorigine en Belgique, et très honnêtement la démarche produit est remarquable – en gardant à l’esprit que la quasi-totalité de l’activité de Danone suit encore un modèle industriel opposé.

LA clé ne serait-elle pas simplement la capacité des marques à avoir un discours sincère ? À ne plus raconter de bobards ? À avoir un imaginaire vrai ? À passer de la culture du mensonge publicitaire asséné à grands coups de spots TV, à une réelle communication bi-directionnelle ? Je défends l’idée de marques au cœur de la place publique, dialoguant avec leurs parties prenantes, mais seulement quand elles ont la légitimité pour cela.

L’importance stratégique des communicants est évidente : elle est de déterminer quand l’engagement est possible et quand il est source de risque et d’affaiblissement. Bien sûr, les grandes marques actuelles sont les moins bien placées pour agir ainsi, à cause de leur culture, de leur inertie et de leur mode de développement. Mais pour des structures à taille plus raisonnable, voilà comment sauver les marques et la communication…

 

Crédit photo : michaelnugent, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.

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9 comments to “Sauver les marques et la communication – autrement”
  1. Heureuse (vraiment) de cette réflexion menée, non seulement à travers l’article que tu commentes, mais aussi à travers ton commentaire (devenue tribune :-)).
    Heureuse, parceque c’est une réflexion que je menais aussi intérieurement et je suis ravie de voir que nous sommes plusieurs à se poser véritablement cette question. En effet, les marques ont trop d’impact sur l’humain et sa société, pour ne pas se poser certaines questions comme: « sont-elles en adéquation avec cette société en mutation ? », « Quelle est leur influence ? Bonne ? Mauvaise ? Décalée ? »
    D’autres part, je suis tout à fait d’accord avec le fait qu’il faille arrêter de faire d’elles des attrapes nigauds, bourrés de mensonges et d’illusion. Peut-être était-ce nécessaire à un moment, peut-être avions-nous effectivement besoin de rêve et de bcp d’étoiles, parceque le reste de la vie était sérieux et cadré ! Mais maintenant, où nous nous évertuons à abattre nos repères (en nous étonnant au passage que tout aille mal), et que nous somme en crise, à tous les niveaux, peut-être le moment est-il venu pour la marque d’avoir le rôle inverse: celui de recadreur, « d’apaiseur », de garde-fous.
    Comment ? En passant justement à un discours vrai, axé sur des clés comme « valeurs », « vérité », « confiance », « expérience »…
    Je crois bien que beaucoup l’ont compris et certains grands groupes ont déjà amorcé cette attitude…en profondeur (ex. de Danone que tu as cité).
    Souhaitons que ceux qui sont encore à la traîne avec leur vision « rêve-mercantile-à-tout-prix » se réveillent enfin pour réaliser que nous sommes en 2011…

    Perso, j’essaye, à mon niveau, petit à petit d’y contribuer ! Il faudrait que je commence par vraiment consacrer du temps à mon blog que j’ai décidé de consacrer aux marques qui utilisent le beau et le bon dans leur marketing et communication !

    A bientôt collègue d’un monde qui change !!!

    • Je n’ai plus grand-chose à ajouter ! Merci, Béatrice…

      Peut-être quand même ceci : la difficulté pour les marques est de concilier exigence de vérité et démarche positive, voire fun. Car bien sûr, il n’est nullement question d’être tout le temps sérieux ou rébarbatif pour pratiquer une communication responsable. Mais pour celles qui sont trop dans le superficiel, le chemin est parfois un peu cahoteux…

      Au plaisir de te lire bientôt !

  2. Tout à fait d’accord: le sérieus à tout prix, serait d’un ennnui !!!! Le fun est une caractéristique quasi « physique » de la com (enfin ça dépend du ton) et effectivement, comme tu l’as dit, ce qu’il faut après c’est ne pas tomper dans l’illusion à outrance.
    J’ajouterais qu’il s’agit de rester dans le respect de la dignité humaine: ne pas la dévergonder, ne pas la rabaisser (mais au contraire l’élever), ne ridiculiser aucune catégorie socio-professionnelle ou ethnie, ne pas (trop ?) mentir…

    Tchuss !
    Au plaisir!

  3. Bonjour Yonnel !
    Juste te dire que j’ai profité pour faire un pti coup de pub à ton blog que j’aime beaucoup, en le mentionnant (entre parenthèse) dans un article que j’ai écrit sur mon blog pour inciter à lire le livre « La Communication Transformative » de Laurent Habib ». Un book qui te dit forcemment quelque chose, puisqu’il a été cité dans l’article auquel tu avais réagi par le commentaire ci-dessus, auquel j’avais moi-même réagi ! pfiou !
    Voilà, voilà, biensûr, je t’invite par la même à le lire:
    http://thetruemarketing.wordpress.com/2011/07/27/58/

    Tchuss !
    Au plaisir !

    • Bonjour Béatrice,

      Ce livre me dit forcément quelque chose, en effet. J’ai lu un peu de ce qu’il s’en disait à sa sortie, mais très franchement je ne l’ai pas encore lu. Il est sur ma liste de lecture, qui malheureusement est bien trop chargée… Je me garderai donc bien de juger sans connaître.

      Bravo pour l’article, je viens commenter chez toi !

      • Et en ce qui concerne le livre, je comprends que ta liste de lecture soit longue ! 🙂
        Moi non plus je n’ai pu encore le lire, c’est pourquoi j’en ai fait un article d’incitation à le découvrir, parceque je partage la position de l’auteur, et non un article d’analyse ou de commentaire.

        En tous cas, merci,
        et comme tu as dit que tu venais commenter « à la maison » alors au plaisir de te lire ! 🙂

        B.V

    • Tu fais bien ta promo 😉

      Je suis assez sceptique face à cette marque. Son nom entraîne une confusion avec Fairtrade. On jurerait un label auto-décerné… mais il y a le label Max Havelaar en-dessous. Bref, entre effet de manipulation et véritable engagement, je ne sais pas me déterminer. Donc au minimum il y a un manque de clarté.

      Au plaisir également !

      • Je comprends ton scepticisme et ça montre bien que tu t’y connais. 🙂
        Je pense cependant qu’il sont « de confiance », car les ingrédients qu’ils utilisent sont Fair Trade CertifiedTm et ils bénéficient de la certification commerce équitable (FLO-CERT / Max Havelaar): les premiers dans le domaine des spiritueux. Donc je pense vraiment que leur engagement auprès de ces coopératives de petits agriculteurs sud-américains, tibétains et africains est réel.
        Ceci-dit, il est vrai que d’un point de vue marketing, avoir un nom de société (Fair Trade spirit) aussi ressemblant que le nom du système en lui même, est peut être risqué, au niveau de la confusion justement. Mais, toujours d’un point de vue marketing, cela peut aussi être un parti pris afin de s’instaurer comme référence en la matière, vu surtout, qu’ils sont les premiers dans leur domaine.

        Bref, je voudrais surtout pouvoir goûter maintenant ! 😉

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