Stop and stop

Malgré le déficit d’image que peut causer une mauvaise utilisation de l’argument environnemental (l’OIP est toujours là, et les prix Pinocchio ont de plus en plus de retentissement), de grands annonceurs continuent à aller à contre-courant, voire à délibérément provoquer, en dépit de la raison et de leur propre intérêt. Petite analyse de cas avec deux pubs TV Citroën très visibles… et assez incompréhensibles du point de vue de la communication responsable.

Chère bagnole, pourquoi te prétendre verte ?

Les constructeurs automobiles sont parmi les plus gros utilisateurs de greenwashing. Le récent mondial de l’automobile nous l’a encore démontré, avec son cortège d’allégations abusives sur la « voiture électrique, voiture verte ». Est-ce pour donner l’impression que l’environnement est pris en compte par les constructeurs, alors qu’il s’agit de prolonger le plus possible un modèle intenable ? Toujours est-il que Citroën, qui s’était tenu à l’écart de ce discours pseudo-environnemental, vient de plonger, et de belle façon.

Est-il bien besoin de préciser en quoi consiste le greenwashing ? Oui ? Bon. Le système start&stop Citroën existe depuis plusieurs années, il a été conçu dans un seul et unique but : réduire la consommation. Le moindre impact sur l’environnement n’est même pas un effet collatéral, la voiture continue de polluer autant en roulant (d’ailleurs où sont les chiffres prouvant cette assertion ?). Le pitch du film n’est pas décalé et amusant, il est absurde et mensonger. « Zéro émissions de CO² à chaque arrêt », bien sûr, mais c’est aussi vrai de tous les véhicules une fois que leur moteur est coupé, et cela ne les empêche pas d’être très polluants. Tous ceux qui roulent à vélo en ville doivent apprécier, sûr qu’ils recherchent la voiture qui pollue le moins pour la suivre. Bref, un bénéfice client imaginaire et une moquerie gratuite pour les cyclistes, pourtant de plus en plus nombreux. Carton plein.

Monsieur l’ouvrier, puis-je me foutre des difficultés de ton métier ?

La seconde est un peu plus ancienne, mais elle est toujours diffusée en deuxième vague. Elle porte un nom très poétique et léger, « le ballet ». L’argument n’est pas environnemental, il est social mais le principe est le même que pour la C4.

La légèreté avec laquelle est traitée la condition des ouvriers du bâtiment est assez révoltante pour quiconque a le strict minimum de conscience sociale. Le contexte est particulièrement mal choisi : secteur en grande difficulté, chômage massif, précarité, conditions de travail pas au mieux, conflit des retraites. Si j’étais ouvrier ce spot me ferait clairement mal aux fesses, pour rester poli. Ici le bénéfice client est survendu, une population est encore attaquée gratuitement, et encore une fois ce n’est ni drôle ni décalé, juste lourd et gras. Très beauf.

Freine, ça ira plus vite

Sur le fond, ces deux spots sont hors sujet, et on peut se demander pourquoi. Choquer pour choquer ? C’est réussi, mais avec quel impact et quelle adhésion ? Surtout, ce ne sont pas les alternatives qui manquent. Depuis une dizaine d’années, Citroën a radicalement fait évoluer le design de toutes ses gammes. Son image a changé, c’est devenu celle d’un des fleurons de l’élégance à la française. Pourquoi ne pas capitaliser sur cette bonne image ? Certes la nouvelle C4 est moins aventureuse que celle qu’elle remplace, mais elle reste une familiale pratique, fiable, confortable et élégante, à peu près pile poil ce que recherchent généralement ses acheteurs. Quant au véhicule utilitaire, une démonstration factuelle des avantages concurrentiels, mesures à l’appui, ne saurait laisser indifférent les cibles marketing. Il n’y avait aucun besoin de choquer, mais plutôt s’appuyer sur les atouts réels de ces deux véhicules, qui n’en manquaient pourtant pas. Si avec ça il n’y a pas moyen de vendre de la bagnole !

Ces films sont aussi une fois de plus des exemples de l’inutilité des structures d’auto-régulation publicitaire, qui n’auraient jamais dû laisser passer de telles horreurs, y compris dans l’intérêt de la marque. On peut aussi regretter le choix média toujours renouvelé de la pub TV pour des voitures. Que l’on dispose du budget et que l’on aie besoin d’une forte couverture n’absout pas de juste se poser la question et essayer de sortir un peu des figures un peu trop imposées. Et si tout ce budget servait à abolir un peu la distance entre le constructeur et les conducteurs ?

Nul besoin d’aller bien loin pour trouver même des pubs TV correctes pour des voitures. Pour Mercedes, un film frappant et surtout basé un point fort RÉEL de la voiture – on n’est finalement pas très très loin d’une communication responsable (un peu plus de preuves auraient été bienvenues, et les supports sont sans doute très peu responsables, mais je chipote je chipote) :

Crédit photo : brainware3000, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.

4 comments to “Stop and stop”
    • Oui, ça fait un peu penser à une récupération de la vélorution (y compris graphiquement). La voiture amie du vélo, on a quand même du mal à y croire. Ah, mais j’oubliais, c’est de la pub, c’est du rêve et du second degré (ahem).

    • Merci de ton retour, Guillaume. Moi un peu sévère ? Non, ça doit être une erreur… :mrgreen:

      Ma première réaction en la découvrant a été : « gonflé, quand même ».

      Merci de rappeler à notre bon souvenir Atmos, pour la Passat Bluemotion, qui avait beaucoup fait réagir dans notre profession (y compris moi). Dans la série il y a aussi Goodyear et le magnifique site « le good choix », où on nous apprend que faire des efforts c’est à peu près bien, mais que finalement il suffit de rouler avec des pneus Goodyear pour sauver la planète. Là aussi, c’est gonflé.

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