À l’UDA, le greenwashing n’existe pas

La fin d’année 2009 a vu l’Union des annonceurs (UDA) présenter en grande pompe les résultats de deux années de « charte d’engagements des annonceurs pour une communication responsable ». « Sans triomphalisme mais avec des faits concrets, l’UDA a démontré les progrès réalisés depuis deux ans », nous dit l’UDA. Mission du jour : vérifier ces « faits concrets ».

Référence obligatoire, les données fournies sur le site de l’UDA. Comme le précise le dossier de présentation, c’est « une sélection des actions les plus emblématiques et les plus pertinentes pour chaque entreprise et non un catalogue exhaustif ». C’est noté. Alors reprenons quelques-unes de ces actions emblématiques, et confrontons-les à la dure réalité des pubs 2009.

Beiersdorf France SA

Engagement 4 : engager un process de validation interne permettant de valider les communications avant leur diffusion externe. « Validation des communications sous l’angle « responsable »  » : « développement, distribution, formation auprès des seniors de l’équipe marketing et des agences des règles permettant de valider si une communication répond aux critères de communication responsable. » « 100 % des seniors équipe marketing et agences formées. »

La dure réalité : Nivea, marque phare du groupe Beiersdorf, réalise une campagne d’affichage pour sa nouvelle crème sans paraben ni conservateur. Manque de bol, bon nombre des ingrédients sont des dérivés du pétrole. Peut-on être 100 % amour en proposant de vous tartiner de pétrole ? Si tout le monde avait été formé, la validation réellement effectuée, peut-être aurions-nous échappé à ce bel exemple de greenwashing.

Danone

Engagement 4 : engager un process de validation interne permettant de valider les communications avant leur diffusion externe. « Mise en place d’un ‘comité d’éthique et de communication responsable’ de validation transversal des principaux projets de communication au niveau du comité de direction », « consultation de comités d’experts scientifiques pour prendre en compte les enjeux nutritionnels et de santé publique ». « 2009 et 2010, 100 % des communications ont suivi la procédure interne. »

La dure réalité (x2, ils le valent bien) :
– opération Evian chez vous : un mode de transport pseudo-écolo pour faire plus de kilomètres et vendre un produit anti-écolo.
soutien de Danone aux zones humides : loin, loin j’agirai… le regard près de nous je détournerai…

Bayer CropScience

Engagement 1 : inscrire l’ensemble de ses prises de parole externes dans le cadre de ses codes de communication responsable. « Code de déontologie de la profession » : « sensibilisation du responsable CMO (chargé marketing opérationnel) au code de la profession et encouragement à la démultiplication vers toutes les équipes. Travail de formation vers toutes les unités de BES. »

La dure réalité : un site web, de l’insertion presse, des films sur une chaîne locale, pour nous dire à quel point Bayer c’est bien pour l’agriculture biologique, pour la santé, pour la 2ème révolution verte, pour l’environnement, pour la protection du climat. Oui, Bayer va sauver le monde avec ses pesticides et ses OGM.

Peugeot

Engagement 1 : inscrire l’ensemble de ses prises de parole externes dans le cadre de ses codes de communication responsable. « Charte de communication responsable » : « la charte de communication responsable du groupe PSA a été définie en 2007. Cette charte a été déployée début 2008 et est appliquée depuis cette date sur un périmètre monde. Elle a pour but d’appliquer les engagements de responsabilité sociétale et environnementale du groupe à toute forme de communication grand public. Périmètre monde. »

La dure réalité : ah, Peugeot, un grand spécialiste du greenwashing… une grande tradition qui ne s’est pas démentie en 2009, avec une affiche destinée aux Réunionnais leur proposant de « Réduire les consommations de carburants, les émissions de C02 et respecter l’environnement ». Et une insertion presse, qui vante le (gros) coupé-cabriolet 308CC en pleine nature, « senteur boisée de novembre ». La charte Peugeot, qui respecte la charte UDA, doit être un bien beau texte… enfermé dans un placard.

Renault

Engagement 4 : Engager un process interne permettant de valider les communications avant leur diffusion externe. « Validation des projets centraux » : « Reconduction du process 2008 : processus certifié ISO 90001 de création et de validation des projets publicitaires impliquant plusieurs niveaux hiérarchiques et plusieurs centres de compétences de l’entreprise. Consultation systématique des départements juridiques » (la grande classe, ISO 9001, avec ça, fini le greenwash !).

La dure réalité : mieux que Peugeot, le greenwashing à la mode Renault. Là encore, une longue lignée de pubs très visibles et très mensongères (Eco2, des voitures qui font pousser l’herbe, une campagne toujours en activité grâce aux programmes courts), qui s’est enrichie de beaux spécimens en 2009, surtout autour des futurs véhicules électriques. Au point qu’un site web a été spécialement articulé autour de la gamme ZE, comme zéro émission. Sans parler de leur marketing direct… En 2010, il faut s’attendre à de nouveaux exploits de Renault, la preuve avec un début d’année en fanfare, des vœux où l’on voudrait nous faire croire que la future voiture électrique de Renault sauvera la planète en réinventant l’automobile. No comment.

Vous avez demandé les engagements de l’UDA, ne quittez pas…

Même en passant sous silence ces cas flagrants de greenwashing, peut-on prendre au sérieux ce bilan 2009 ? J’avancerais que non, pour deux raisons. La première, les informations sont incomplètes. Quand on examine les engagements entreprise par entreprise, on constate pour nombre d’entre elles un message « Informations en attente ». Ce sont : Coca, groupe Bel, Caisse d’Epargne, CNP Assurances, Danone Eaux France, Eco-emballages, Expanscience, Kraft foods France, Mars, Michelin, Puig prestige beauté, Sanofi-Aventis, Solvay Pharma, ce qui nous fait 13 sur 40. « 40 signataires contre 22 au lancement », claironne l’UDA. Si on retranche ces 13, ça ne fait plus que 27. Plus si spectaculaire.

Alors, je sais, vous allez me trouver d’une parfaite mauvaise foi, il y a sûrement une explication logique. Les stagiaires qui devaient reporter les données était malheureusement malades, dans les 13 entreprises à la fois (la grippe porcine, sans doute). Le site web de l’UDA a sûrement connu un problème technique. Ou alors le contenu était trop long à entrer. Ou le bilan n’était pas encore fait. Plus sérieusement, j’y vois un signe du désintérêt des entreprises pour la communication responsable et pour le reporting.

Seconde raison de ne pas croire un seul mot de ce qui est avancé : je vous encourage à lire un maximum des engagements des marques. Je n’ai pas fait un relevé exhaustif, mais si quelqu’un veut bien me financer le temps nécessaire pour cela, je le ferai volontiers. Vous n’y trouverez la plupart du temps que des arguments hors sujet, des engagements mineurs ou flous, des données non chiffrées. Représentant paroxystique de cette tendance : Prolea (la filière française des huiles et protéines végétales). Réponse à l’engagement 1 (Inscrire l’ensemble de ses prises de parole externes dans le cadre de ses codes de communication responsable) : « La prise de parole en externe concerne uniquement le PDG (nous ne pouvons donc pas décliner de code interne). » Magnifique. Ignorer que la prise de parole externe désigne TOUTE  intervention sur la place publique, et que cet engagement ne concerne en rien l’interne, il fallait oser. Réponse à l’engagement 3 (Utiliser avec loyauté les données privées sur ses clients finaux dans sa démarche marketing et commerciale) : « Nous n’avons pas de démarche commerciale. » Un syndicat professionnel qui ne collecte aucune donnée privée ? Ce serait bien le premier. Avec ce genre d’arguments, considérés comme des engagements, il est aisé de présenter des statistiques flatteuses.

Au final, l’UDA nous propose là des engagements non tenus, partiels et trompeurs. La remarquable complexité de ces données très fournies est voulue : elle dresse un écran de fumée, une apparence de démarche rigoureuse, alors qu’il n’en est rien. Donc, pas de greenwashing chez les signataires de la charte ? Rien n’est moins sûr. Une aggravation du discrédit de toute une profession, incontestablement.

Photo : reproduction d’une œuvre dans le domaine public, SantaTeresa de Alonso del Arco (1635-1704).

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5 comments to “À l’UDA, le greenwashing n’existe pas”
    • Oui, exact. C’est très confus, on ajoute des tonnes d’infos à une synthèse qui en contient déjà beaucoup. C’est un vrai roman, et quand on en sort, on ne peut que se dire « mais qu’est-ce que c’est compliqué à mettre en place ! »

      Nos métiers sont déjà suffisamment techniques, et la communication responsable est justement une tentative de remettre de l’humain, du sensible, du qualitatif, dans un univers de chiffres et de codes. Toutes ces chartes ne font pas diminuer les cas de greenwashing.

      Bon, le positif c’est qu’on est au moins deux à avoir parcouru ce dossier… 😉

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