Le design thinking, l’avenir de la communication ?

shutterstock_293589464Mes trois dernières années ont été consacrées avec bonheur à l’accompagnement des démarches d’innovation d’acteurs très différents, des startups aux grands comptes, en passant par des PME et des collectivités. Nous utilisons un certain nombre des méthodes les plus utilisées dans le monde de l’innovation et de l’entrepreneuriat : BMG, lean startup, Océan bleu… et surtout le design thinking.

Quand j’ai découvert le design thinking, ce concept m’a quelque peu déstabilisé. Quelle allait être la place d’un communicant dans les missions utilisant cette méthode ? Verdict : essentielle ! Il y a en fait de la communication à tous les stades de la démarche. Mieux, j’ai découvert que le design thinking pouvait être facilement appliqué à des missions de pure communication, me permettant d’affiner et de développer des principes que je pratiquais jusque là de manière très intuitive. La transposition du design thinking à la communication est très productive, pleine de sens, et nous permet de nous reconnecter à la fois aux besoins des publics et à la réalité des annonceurs.

Alors, c’est quoi, ce fameux design thinking ?

D’abord, il faut avouer que l’expression n’est pas heureuse. Dans la « pensée design » (traduction littérale)… il n’est pas vraiment question de pensée, mais plutôt d’action ; c’est même l’anti-brainstormite aiguë. Et il n’est pas non plus vraiment question de design, du moins pas dans le sens « faire des choses jolies à voir ».

Pour le définir le plus simplement du monde, le design thinking est une méthode d’innovation qui met l’humain au centre.

Un peu d’histoire, une définition plus précise

Cette méthode ne date pas d’hier. Dans les années 1960, on parlait déjà de design participatif – on y était presque. À la fin des années 1980, de design centré sur l’utilisateur. Dans les années 2000, de design de services ou de méta-design (j’imagine que c’était trop la classe de parler de méta-design dans les soirées ?). Quant au terme de « design thinking », on fait en général remonter sa création à un ouvrage portant ce titre, d’un certain Peter Rowe, en 1987… il y a 29 ans. La pratique s’est vraiment développée à la fin des années 2000.

Si l’on reprend les mots de Tim Brown, président d’IDEO, l’entreprise qui a le plus contribué à la popularisation du concept,

le design thinking est une approche de l’innovation centrée sur l’humain, qui s’inspire des outils des designers pour y intégrer les besoins des personnes, les possibilités de la technologie et les exigences d’une réussite business.

Il poursuit :

Penser comme un designer peut transformer la façon dont les organisations développent des produits, des services, des process, des stratégies. Cette approche, qu’IDEO appelle design thinking, rassemble ce qui est désirable d’un point de vue humain, ce qui est faisable technologiquement, et ce qui est viable économiquement. Elle permet également à ceux à qui on n’a pas appris le design d’utiliser des outils de créativité pour s’attaquer à un large éventail de défis.

Le design thinking est un process profondément humain, qui exploite des capacités que nous avons tous, mais qui sont négligées dans les pratiques plus conventionnelles de résolution de problèmes. Il s’appuie sur notre capacité à être intuitifs, à reconnaître des tendances, à construire des idées qui font sens, aussi bien émotionnellement que fonctionnellement, et de nous exprimer par des moyens qui vont au-delà des mots ou des symboles. Personne ne veut diriger une structure à l’affect, à l’intuition ou à l’inspiration, mais trop se fier au rationnel et à l’analyse peut être tout aussi risqué. Le design thinking propose une troisième voie intégrée. » (Traduction YPLL)

Process

La méthode du design thinking comporte 3 phases :
1) L’inspiration (HEAR)
2) L’idéation (CREATE)
3) L’implémentation (DELIVER)
(IDEO parle ainsi de démarche HCD, et il faut noter que si d’autres parlent de 5 ou même 7 phases, le principe reste le même.)

Le grand, l’énorme intérêt de cette démarche, c’est de commencer par le plus important : aller voir les utilisateurs ou les publics, pour savoir ce qu’ils pensent et ce dont ils ont besoin. Le plus souvent, surtout en communication, on commence par la seconde phase : on brainstorme, on trouve plein d’idées super géniales… et 9 fois sur 10 ces idées ne correspondent pas aux besoins du public, voire disent l’exact inverse de ce qu’ils pensent de la marque : défiance et inefficacité assurées. Le design thinking doit ainsi permettre de faire des campagnes de communication dans lesquelles les publics se reconnaissent.

La première compétence à mobiliser se rapproche donc de l’ethnologie ou de l’anthropologie. Observer, analyser, savoir décrypter, creuser, mettre en contexte les comportements et les habitudes du ou des publics à qui l’on s’adresse… avec toujours à la clé une mine d’informations précieuses et souvent surprenantes. Rien ne peut remplacer cette phase de dialogue direct et d’empathie.

La deuxième phase, celle d’idéation, est plus classique. Mais comme elle se sert d’insights plus justes, elle prend une tout autre dimension. Elle permet alors d’aboutir plus facilement à ce que l'(ex-)Association pour une communication plus responsable appelait « l’imaginaire vrai » .

Idéalement, elle inclut un dispositif de dialogue avec les publics. Qu’il n’y ait aucune méprise sur la finalité de la démarche globale : elle est bien d’obtenir une meilleure efficacité des campagnes, aussi bien quanti que quali, sur le court terme comme sur le long terme.

Quant à la troisième phase, les dernières évolutions de la communication, et notamment le programmatique, rendent possible cette pratique du prototypage pour quasiment toutes les campagnes. On n’est plus obligés de lancer une énorme campagne de communication, puis d’apprendre plusieurs jours ou semaines plus tard si l’opération a été un succès. L’idée est de prototyper, c’est-à-dire de faire des tests jusqu’à trouver la bonne formule, puis de lâcher les chevaux.

Nuances obligatoires

Retour sur le titre de cet article : j’ai choisi d’y mettre un point d’interrogation, parce qu’il est toujours hasardeux de prédire quoi que ce soit, surtout en communication. D’abord, la méthode miracle, cela n’existe pas. C’est la façon de la mettre en musique qui compte. Et si la lucidité n’y est pas (grande spécialité dans la com !), que la première phase aboutit à des constats erronés, le résultat final restera le même que si l’on était resté bien sagement dans notre tour d’ivoire.

Peut-être pire, quand bien même le recueil des perceptions et attentes du public aurait été fait dans les règles de l’art, il y a toujours avec cette méthode une sorte de pari sur la réaction des publics, la façon dont on croit qu’ils vont réagir, et ce qu’on croit être leurs besoins. Les biais cognitifs et idéologiques restent à l’œuvre, quelle que soit la méthode.

Mais au moins, le design thinking nous donne une meilleure chance de nous en apercevoir, et d’être un peu plus dans le concret et de communiquer avec lucidité. C’est déjà pas mal, non ?

Crédit photo : une représentation du design thinking, via Shutterstock.

5 comments to “Le design thinking, l’avenir de la communication ?”
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