Les acteurs de la communication responsable (1/2) : pionniers et survivants

Autrefois multiple, le paysage des associations professionnelles autour de la communication responsable s’est réduit comme peau de chagrin. Ne restent aujourd’hui que des groupes au sein d’associations bien établies. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Pour répondre à cette question, un premier article sera consacré à un panorama historique des acteurs. Le prochain article, quant à lui, sera consacré à l’avenir.

Le Grenelle de 2007, grand catalyseur

Jusqu’où remonter pour faire l’histoire de la communication responsable en France ? Comme toujours en histoire, le choix est subjectif. Les précurseurs diront à juste titre « oui, mais ça, j’en parlais déjà plusieurs années avant ». Comme ils liront sans doute ces lignes, je les salue amicalement et ne les oublie surtout pas ! Le point de départ que j’ai choisi est l’événement politique qui a donné naissance à des dynamiques de groupe autour de la communication responsable : il s’agit du Grenelle de l’environnement, initié en 2007 par Nicolas Sarkozy & Jean-Louis Borloo.

Le Grenelle contenait en effet un volet consacré à la communication. La faute à de nombreuses campagnes excessives, notamment de greenwashing (mais pas que !), qui suscitaient des réactions de plus en plus vives d’ONGs. De fait, le Grenelle marque la dernière évolution de la régulation de la communication. 10 ans déjà ! Et c’était une évolution cosmétique, a minima, avec le frein à main.

Face à ceux qui pensaient qu’il était urgent de ne rien changer, et qui hélas étaient majoritaires et plus puissants, deux attitudes, deux volontés : changer la communication depuis les lieux de pouvoir, ou créer de nouvelles forces. Insiders, outsiders. Faire évoluer les associations traditionnelles ou en faire émerger d’autres.

Dans le premier camp : principalement l’Union des annonceurs (UDA) et l’Association des agences conseils en communication (AACC). Dans le second, deux petits nouveaux : Adwiser et la future Association pour une communication plus responsable. Commençons par ces derniers.

AdWiser : utiliser la communication pour aller vers le développement durable

Selon sa page Facebook, « AdWiser réunit depuis 2007 des professionnels et pionniers de la communication, du développement durable et de la conduite du changement pour faire avancer la réflexion, accélérer l’évolution de notre secteur et l’accompagner d’actions en faveur du développement durable. »

Pour AdWiser, la responsabilité de la communication, c’est d’amener les publics des campagnes de communication à avoir des comportements plus responsables. La communication est vue comme le moyen de changer les comportements de consommation.

Je retiens d’AdWiser ses « 28 propositions joyeuses et durables pour le monde de l’après-crise », intitulées « Communiquer pour une consommation soutenable : comment ça va bien se passer !!! » (avec les trois points d’exclamation). Le texte fait bien la différence entre la communication RSE, la communication responsable et leur proposition bien plus large.

La lecture de cette plateforme est vivement recommandée ! Des aspects fondamentaux de notre modèle de consommation y sont abordés :

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En terme d’impacts sur le réel, le bilan est mitigé : la vision présentée par Adwiser n’est pas majoritaire, loin de là, et l’objectif est encore lointain. Malheureusement, le blog d’AdWiser n’est plus en ligne, et le groupe n’est plus actif depuis 2013. Il comprenait une quinzaine de membres.

L’Association pour une communication plus responsable : réinventer un écosystème pérenne

Face à AdWiser, une approche plus ouverte et qui s’attachait plus à la façon de communiquer, aux moyens plutôt qu’aux fins : elle portait à ses débuts le nom de « collectif des Publicitaires éco-socio-innovants » (PESI pour les intimes). Là aussi, c’est le Grenelle qui en a été le détonateur, avec le constat au printemps 2008 d’un besoin de prendre acte des évolutions récentes et fondamentales du métier, et de bâtir un nouveau socle de confiance pour les métiers de la communication.

Ce groupe d’environ 600 professionnels s’est transformé début 2011 en Association pour une communication plus responsable (APCR), association qui a compté jusqu’à 200 membres, et dont j’ai fait partie. Pour l’APCR, la communication responsable est une façon de communiquer sur tout sujet, et d’assumer notre place dans la société. Son projet est global, et politique au sens noble du terme.

Je retiens 2 productions, par ordre chronologique : « les 4 piliers et les 3 principes de la copie stratégie responsable », document destiné à aider les agences répondant à leur annonceur, en leur donnant un état d’esprit à suivre :

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Le document phare de cette association est un manifeste intitulé « Programme pour réformer globalement et radicalement les pratiques du secteur de la communication et de la publicité » :

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Il est bon de noter que sur ces propositions… seule une est maintenant réalité (3.10), une autre partiellement (3.5), et pas vraiment directement grâce à l’association. Trop précurseur, sans doute ? Ce manifeste reste un des textes les plus visionnaires sur la communication.

À la différence d’AdWiser, le site de l’Association pour une communication plus responsable est encore en ligne. Mais comme AdWiser, la bête ne bouge plus depuis bien longtemps. Il est surprenant de constater que certains membres mettent encore aujourd’hui en avant leur implication dans cette association, laissant croire qu’elle serait encore active. Or les dernières cotisations ont été perçues en 2012, et les dernières activités datent du printemps 2013. Une dernière opération de partenariat (autour de mon livre) a été réalisée à la mi-2014. Quand une association ne fait rien depuis 4 ans… elle est morte.

UDA : les premiers et les derniers des Mohicans ?

Passons maintenant aux acteurs plus installés. Historiquement, la première association à s’emparer du thème de la communication responsable est l’Union des annonceurs (UDA). Cela remonte à 2007, avec une charte de communication responsable (la genèse de mon approche !) qui a l’avantage de proposer une démarche de progrès, mais aussi l’inconvénient de faire croire un peu trop facilement que les annonceurs ont nettement fait évoluer leurs pratiques de communication… même quand ce n’est pas le cas, ou quand ce changement a été très marginal. Le site recensant les bonnes pratiques de l’UDA comporte ainsi certaines des meilleures illustrations de l’incohérence en communication.

Pour donner un ordre de grandeur par rapport aux outsiders précités, l’UDA compte deux salariés ayant la communication responsable dans leur périmètre (+ une assistante). Toutefois, la promotion de la communication responsable étant une des trois missions prioritaires de l’UDA, l’ensemble de l’équipe tient compte de cette dimension dans le cadre de ses activités. Parmi les adhérents, une cinquantaine d’entreprises sont impliquées sur ces questions et sont signataires de la charte.

J’ai beau être critique par rapport à la charte, initiative qui peut toujours être améliorée, et qui est d’ailleurs en amélioration, je suis beaucoup plus enthousiaste devant les « éléments pour un brief de communication responsable » :

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Ce document donne aux annonceurs de quoi partir sur des bonnes bases quand ils veulent lancer une campagne. Ce sera ensuite la réalisation, et surtout la capacité à faire preuve de lucidité et à ne pas partir d’a priori erronés qui feront la différence.

Notons enfin que l’UDA est le dernier endroit où existe un groupe important et avec une activité soutenue sur la communication responsable, et cela mérite d’être souligné.

L’AACC : communication développement durable

Seconde grande institution de la communication à aborder le sujet, l’Association des agences conseil en communication (AACC) comporte toujours aujourd’hui une commission développement durable.

Les actions concernent principalement la RSE des agences de communication : handicap, empreinte environnementale, éco-conception des événements, etc. Le site dédié présente un panorama assez complet des initiatives.

« Autres » initiatives (titre totalement insatisfaisant)

On dénombre de multiples initiatives qui :

  • soit n’avaient pas pour but de faire émerger des actions durables dans le temps,
  • soit ne sont pas nationales,
  • soit ne concernent qu’une seule discipline de la communication ou un seul aspect de la communication responsable.

Commençons par une des références de la communication responsable qu’est le guide d’utilisation de l’ISO 26000 pour le secteur de la communication, et qui porte le petit nom réjouissant de FD X30-028. Ce document a beaucoup fait pour une meilleure compréhension de la différence entre communication RSE et communication responsable, et a le grand mérite de considérer les impacts globaux de la communication. Malheureusement, son prix (au minimum 86,70 € HT) a limité son adoption.

Je citerais ensuite volontiers l’Apacom, qui avec sa commission Com’Avenir a produit une remarquable charte présentant les 10 engagements d’une agence de communication responsable, engagements sur des comportements et postures positives :

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Dans les initiatives sectorielles, la plateforme éco-événement a été produite par les 7 principales associations de la filière événementielle. Il y est principalement question de réduction de l’impact environnemental d’un événement.

Citons également le guide de l’éco-communication de l’Ademe, et la plateforme web qui s’y rapporte. Il y est bien question de communication éco-responsable, donc de réduire l’impact environnemental, et pas de communication responsable (concept plus large). Reste que c’est une des ressources les plus poussées sur le sujet.

La démarche d’Act Responsable mérite d’être citée… comme l’anti-communication responsable par excellence : ce sont vraiment les grosses ficelles de la pub qui sont utilisées pour vendre le développement durable comme on vendrait n’importe quel produit. Pour prendre une analogie, vouloir faire adopter le développement durable grâce à la pub à papa, c’est comme si Monsanto voulait faire adopter la permaculture. Incohérent et pas crédible une seule seconde. J’en veux pour preuve le slogan de ce visuel :

« La publicité a le pouvoir de mettre fin à la pollution » ? C’est hélas faux (ou alors l’échec est cuisant), et c’est même tout l’inverse qui se produit. La publicité incite massivement à une consommation irraisonnée, qui cause toujours plus de pollution.

Conclusion provisoire

Bravo à celles et ceux qui ont réussi à poursuivre la lecture de cet article jusqu’ici. Vous avez pu constater la richesse et la complexité de l’histoire de la communication responsable en France. Vous avez aussi pu constater que la quasi-totalité des démarches commence à dater. En termes de dynamique, la mobilisation autour de la communication responsable est retombée. Si l’on devait faire un choix binaire, la communication responsable est plus un échec qu’une réussite.

Paradoxe intrigant : de plus en plus d’agences s’en revendiquent, mais de moins en moins d’acteurs sont actifs pour partager autour de ce sujet.

Pourquoi est-ce le cas ? Et surtout, peut-on, et faut-il donner un nouveau souffle à la communication responsable ? Ce sera le sujet du prochain article.

Crédit photo : les 3 mages suivant l’étoile de Bethléem, par Wonderlane, sur Flickr (image adaptée ?) ; image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.

4 comments to “Les acteurs de la communication responsable (1/2) : pionniers et survivants”
  1. Bravo ! Pour ce constat car ce sont des faits.
    Nous avons été nombreux à nous engager et la relève ne s’est pas vraiment levée. Adwiser n’existe plus mais a été un formidable point de rencontres et de débats… La commission DD de l’AACC est très active mais notre boulot est avant tout de faire descendre les bonnes pratiques dans les agences.
    Tu fais partie des derniers Mohicans toi aussi 😉
    Si tu le souhaites, pour ma part j’ai toujours autant envie de défendre notre Manifeste ! Amitié,

    • Salut à toi, ami Mohican 🙂

      Oui nous avons été nombreux à nous engager, à donner de notre temps et de notre énergie pour promouvoir une communication d’un genre nouveau. Cet article est là pour qu’on n’oublie pas toutes ces initiatives.

      Votre manifeste mérite d’être défendu ! C’est un texte qui interroge, et qui, quelques années après, conserve tout son souffle. Il reste d’actualité.

  2. Je suis souvent en désaccord avec ce que je lis (de temps en temps) ici, mais bravo pour ce panorama !
    Passons sur le fait que ces initiatives ont souvent capoté parce que leurs membres ne s’entendaient pas forcément entre eux (querelles d’égo ?…). Je me trompe ?…
    J’ai pour ma part un autre avis, celui que je défends et illustre dans le groupe Com & RSE de LinkedIn : les injonctions ne fonctionnent pas. Encore moins dans un secteur où liberté et allergie aux normes sont la règle (tant mieux !).
    Les incantations à la « com responsable » ne marcheront jamais ! Mais l’incompétence, elle, est « condamnable ». L’incompétence c’est de ne pas comprendre, mesurer, anticiper, intégrer l’écosystème, les parties prenantes (même celles bien cachées), à toute action de com.
    Et les exemples sont (encore trop) nombreux ! Auchan est le dernier en date. Il sera vite rattrapé par un autre, n’en doutons pas ! 😉

    • Merci. Effectivement nous avons des désaccords idéologiques fondamentaux. Nos objectifs sont diamétralement opposés.

      Oui il y a bien eu des querelles d’égo dans ces groupes, mais je ne pense pas, pour bien connaître tous ceux que j’ai cités, que ce soit la cause principale de l’échec.

      On retrouve là notre différence idéologique. Pour moi le secteur de la com (la grande, la glorieuse) est porteuse de nombreuses injonctions, tout aussi fortes que celles que tu dénonces (consomme, profite, ne regarde pas les conséquences, ne regarde pas les autres, ne partage pas, ne prépare pas l’avenir). On ne ferait que changer les injonctions ; le problème réside dans le contenu des injonctions !

      Reste que je partage totalement le constat que beaucoup n’ont pas encore intégré qu’on ne pouvait plus faire comme si les parties prenantes étaient quantité négligeable. On voit tous les jours des erreurs de diagnostic sur la recevabilité des messages.

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