Malongo : la meilleure pub TV du commerce équitable ?

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Un article issu de la maintenant longue et toujours fructueuse collaboration avec Guillaume d’Ekitinfo.

Dans la famille des pubs pour le commerce équitable, nous demandons… Malongo. Et la carte jouée par l’entreprise française pour sa nouvelle machine à dosettes est un peu spéciale : celle d’une des meilleures pubs TV sur le sujet. Tout simplement ? Presque.

Voici la vidéo, et la transcription du texte :

« Chez Malongo, ce sont les petits producteurs qui font les grands cafés. Nous soutenons les coopératives aux arabicas d’excellence, biologiques et équitables. Amoureux du travail bien fait, nous torréfions nos grands crus à l’ancienne, pour révéler toute la richesse des arômes. Concernés par l’environnement et les forêts, nos cafés sont préservés dans des doses en papier naturel. Nous sommes fiers d’avoir créé et fabriqué en France notre machine à expresso recyclable, économe en énergie et garantie 5 ans. Nous croyons au commerce équitable et à la fin de l’obsolescence programmée. Nous réaffirmons nos valeurs : le partage, la qualité, le goût et l’innovation. Parce que le cœur des hommes bat dans Malongo. »

Enfin…

Le premier gros point fort de cette campagne concerne une absence. Enfin, enfin une publicité sans musique ! Ce parti pris est fort, il est osé : c’est affirmer que les mots qui seront prononcés seront suffisamment porteurs de sens pour attirer l’attention et l’intérêt. Et dans un tunnel publicitaire, ces 50 secondes de non-musique sortent vraiment du lot.

Est-ce la cause ou la conséquence de ce choix non-musical ? Toujours est-il que le discours, porté par Richard Bohringer qui a prêté sa voix pour ce spot, est très bien construit, très structuré. Il peut s’adresser aux néophytes, en leur expliquant ce qu’est le commerce équitable, et parle aussi aux initiés en leur proposant une démarche apparemment complète.

Et que dire de l’aspect graphique ? L’animation est très belle, sobre, design. Belle et en accord avec le produit.

Les regrets… la réalité

La perfection n’étant décidément pas de ce bas-monde, certains aspects sont moins aboutis. Il manque d’abord un renvoi vers le site de Malongo, et plus particulièrement des preuves des arguments avancés : le soutien des coopératives (comment ?), la torréfaction à l’ancienne, l’impact environnemental des dosettes… tout cela semble vrai, mais est-ce bien le cas ? Voici la vraie histoire des cafés Malongo…

Malongo travaille avec plusieurs coopératives de commerce équitable dans le Monde : Mexique, Haïti, Congo, Guadeloupe, Laos, Nouvelle-Calédonie et Zimbabwe. Elle insiste sur la formation en vue d’améliorer la productivité et la qualité ainsi que sur la diversification économique. En particulier, elle garde des liens très proches avec la coopérative de café Uciri avec qui elle travaille depuis plus de 15 ans. Les revenus générés par le commerce équitable, dont les ventes de Malongo, ont permis la création de deux lignes de bus, d’un centre de soin, d’une banque, d’une école d’agriculture biologique. Mais aujourd’hui encore, la plupart des cafés de Malongo ne sont pas issus du commerce équitable. Un simple coup d’œil sur leur site de vente en ligne nous rappelle la réalité : seulement 40% de ses cafés possèdent le label Max Havelaar, garantie d’un produit issu du commerce équitable. En fait, le denier rapport de responsabilité éthique de Malongo explique que 44% de ses volumes d’importation sont certifiés par Max Havelaar et 24% sont issus de l’agriculture biologique.

La torréfaction à l’ancienne s’effectue dans des torréfacteurs au gaz. Des brûleurs chauffent l’enceinte, à 220 °C. Via une trémie, le café vert est envoyé vers cette enceinte. L’arrivée de cette masse de matière froide fait chuter la température à 120°. Elle remontera à 220° en 20 minutes. Le contrôle de la torréfaction est automatique pendant les 17 premières minutes. Puis l’homme intervient en faisant appel à la vision, l’odorat et l’ouïe. Une méthode bien différente de la torréfaction « flash » souvent utilisée par les industriels et qui ne demande que 4 minutes…

Il y a également dans ce film un côté schizophrénique propre à beaucoup de promesses RSE : peut-on se déclarer écolo quand on fait des dosettes jetables, donc du packaging superflu ? En quoi l’utilisation de papier pour l’emballage préserve les forêts (quid du papier « naturel » d’ailleurs) ? Se bat-on réellement contre l’obsolescence programmée en produisant une machine qui dure 5 ans ? Quand on cherche le mode de préparation le plus écolo pour le café, on retombe par exemple sur la bonne vieille cafetière mécanique, en métal, qui dure 50 ans, et dans laquelle on met du café acheté en vrac…

Ainsi on verse un peu trop facilement dans la surpromesse… mais c’est de la pub, après tout, pas vrai ?

Crédit photo : Ttothestreet, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.

12 comments to “Malongo : la meilleure pub TV du commerce équitable ?”
  1. Salut Yonnel.
    Merci pour l’article. Une petite précision avant de poursuivre, la machine est garantie 5 ans. Elle vivra probablement plus longtemps 🙂
    Pour le reste, assez d’accord. Lutter contre l’obsolescence programmée en fabriquant une énième machine …
    Ha oui, le papier naturel, j’aime bien la formule. C’est tout de même biodégradable. Nespresso pue des pieds à côté quand même.

    • Salut Seb !

      Ça faisait longtemps que tu ne m’avais pas fait le grand honneur d’un commentaire 😉

      La machine vivra probablement plus longtemps ? Peut-être. Ou pas. On n’en sait rien !

      Elle est intéressante, cette campagne. On est d’accord qu’à côté de Nespresso, c’est 50 fois mieux. Mais est-ce que « mieux », c’est suffisant ? Je ne sais pas. Par contre, je sais qu’on ne peut pas en parler comme d’un absolu-hyper-top-de-la-mort-top-moumoute… La différence entre « vraiment mieux » et « y’a pas mieux » est ténue.

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  3. Quel plaisir de travailler à nouveau avec toi sur cet article Yonnel ! Au final, je pense qu’on peut dire que cette pub serait idéale pour une organisation 100% équitable qui proposerait du café en vrac…

    • Merci à toi pour cette nouvelle collaboration (et gaffe aux compliments, les chevilles ça enfle^^). Je reste très partagé sur cette pub. D’un côté la forme est chouette, et ce n’est pas du si mauvais boulot que ça sur le fond, vu le format. Mais ces foutus détails, cette sacrée cohérence qui n’est pas là… Non, ce n’est définitivement pas un modèle de communication responsable.

      Un début d’explication peut venir de l’agence à qui l’on doit ce film. Il s’agit de Business, une agence qui nous sort régulièrement des campagnes « comme en 1985 » , mensongères, dénuées du moindre chouïa de créativité, de responsabilité ou même de bon goût : Optic 2000, Léa Nature, Cristaline, les pains Jacquet, la Fédération française d’équitation (« le cheval c’est trop génial »)… des poètes, quoi. Quand on choisit une agence qui maîtrise mal ou va à l’encontre de ses convictions de marque, le résultat ne peut pas être bon.

      J’attends avec impatience notre prochain article à quatre mains !

    • Pourquoi me fâcher ? Ce genre de bouffonnerie totalement anecdotique ne mérite même pas une réaction.

      Quand vous élèverez un peu le niveau, Simon, on en reparlera.

  4. C’est bien légitime.

    Je me permettrai tout de même de vous maintenir informé en cas de réaction à l’un de vos articles, par courtoisie.

    Au plaisir!

  5. Je partage votre avis, la pub est en effet une des meilleures pour le commerce équitable, c’est peut être là tout l’intérêt. Par ailleurs, elle n’est effectivement pas en cohérence avec ce qui est affiché, ou voulu (on ne saura jamais).

    Je ne comprends toujours pas qu’on s’efforce à tenter de nous vendre des machines de plus en plus sophistiquées pour au final des utilisations tellement « anodines ».

    Dans ma courte vie j’ai eu plusieurs types de cafetière, passant d’une cafetière électrique à une cafetière « dosette » et puis je me suis rendu compte que le plus simple était finalement une cafetière italienne. Pratique, utile, et sublimant le café.

    Alors pourquoi Malongo ou une autre entreprise équitable ne chercherait plutôt pas à faire créer une cafetière italienne par des producteurs, là tout prendrait du sens.

    Faire fabriquer (ou plutôt assembler) une machine ici, me paraît tout sauf écologique, je reste convaincu que les matières premières de cette malongo-expresso n’ont rien à voir avec l’équitable.

    Contre l’Obsolescence programmé, et donc garantie 5 ANS ?? seulement ? dites les mecs vous pourriez aller au bout : garantie à vie sinon rien… et là avec la cafetière italienne vous ne preniez aucun risque.

    J’ai lu avec effroi l’article de Simon, en plus d’être injuste, il n’arrive même pas à recopier le nom des sites sur lesquels il prend sa source, c’est EKITINFO pas Ethikinfo Siimont !

    Je me demande quel est l’intérêt de vanter le produit alors que l’on sait que c’est une bonne pub, et que cela s’arrête là. La volonté est là, la dénonciation un peu, maintenant on attend des actes : CAFÉ EQUITABLE À 100%, MACHINE À VIE PRODUITE DE MANIÈRE ÉQUITABLE ET FONCTIONNANT À L’ÉNERGIE SOLAIRE OU FOURNIE AVEC DES PÉDALES pour la faire fonctionner.

    Sans quoi, nous serions dans l’obligation éthique, de considérer qu’il ne s’agissait que d’une vaste tentative de communication, qui avec un peu de recul peu même énerver les gens.

    Si le produit est utile alors inutile d’utiliser les mêmes créneaux que les autres marques « lambda ».

    En bref petite déception, mais belle opération de com’.

    On est tout de même sur la bonne voie pour plus de justice, mais nous n’empruntons hélas pas les bons chemins pour y arriver.

    • Bienvenue sur communicationresponsable.fr, Didier !

      Merci beaucoup pour ce commentaire, qui exprime mieux que je n’aurais pu le faire le fond de ma pensée, sur un point essentiel de la critique de cette campagne.

      Il convient de préciser, notamment à destination de certains sceptiques (suivez mon regard), que Didier et moi ne nous sommes jamais rencontrés. Oui nous participons tous les deux à Ekitinfo (moi beaucoup moins que Didier), mais par le passé nous avons été en désaccord sur certains points, et nous le serons certainement encore à l’avenir, ce qui est très sain. La seule chose qui nous relie, ce sont des idées. Ce commentaire n’est en aucun cas un « coup de main à un ami » ou je ne sais quoi d’autre de préparé.

      Pour revenir à l’article sur Malongo, il me semblait justement que celui-ci était des plus nuancés, et qu’il ressortait bien de notre analyse une certaine tension entre des éléments positifs et d’autres qui gâchent le tableau. Rien d’extrême, rien de dogmatique. Avec Guillaume, nous en avions beaucoup discuté avant d’arriver à une telle position.

      D’ailleurs, Guillaume et moi préparons actuellement, lentement, un autre article sur une campagne devant laquelle nous sommes tout aussi partagés.

      • Cher Didier,

        J’ai effectivement écorché le nom de votre site et vous prie de m’en excuser. Il se trouve que je souffre de dyslexie depuis mon plus jeune âge, mais je suis certain que vous n’avez rien contre le handicap. C’est à présent corrigé, soyez rassuré !

        Par ailleurs, je vous trouve injuste de trouver injuste que je trouve l’analyse de vos collègues injuste.

        Mais je dois avouer que je suis assez séduit par votre idée d’une cafetière à pédales. Il semble que sommeille en vous l’âme d’un ingénieur en écoconception, et je vous en félicite !

        Bien amicalement.

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