Home-sandwich

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Le film Home, réalisé par Yann Arthus-Bertrand, a fait une sortie fracassante sur les écrans de télévision et de cinéma. Et surtout, il fait déjà l’objet de nombre d’articles sur la toile. Des institutionnels comme le Monde, avec la version facile ou la version un peu plus fouillée. Sur les blogs aussi, entre le pas lucide du tout, l’hésitant (entre questionnement et récupération), le pas farouche, le pas lucide (encore), le drôle et créatif, le critique, le méfiant et le bien analysé.

Quelques bâillements, quelques interrogations

Qu’en est-il de ce film qui bénéficie d’un battage médiatique inédit pour un film écolo (d’autres ont eu moins de facilités à accéder à la médiatisation) ? Rien de révolutionnaire, ni de nouveau. C’est pompeux, grandiloquent, monotone, limite soporifique. Le monde n’est pas différent depuis que j’ai vu Home. Du moins, le mien. Rien n’y était montré dont je n’avais pas conscience. La Terre est belle, elle est précieuse, elle est en danger. On doit tout de même reconnaître la grande beauté de l’image – comme un album de YAB où les photos bougeraient.

Les beaux paysages défilent, les catastrophes écologiques aussi. Almeria, Dubaï, Israël, Palm Springs, Bornéo. Aller loin pour oublier ici. Ce qui va mal, c’est à l’étranger, c’est loin. Ce qu’il faut faire, c’est là-bas ? Non, ce que nous pouvons faire, c’est chez nous, en France, dans notre commune, dans notre rue. C’est de faire attention à la gestion des déchets de notre famille, c’est de participer aux débats proposés par sa mairie pour la gestion de l’eau, pour la fourniture des cantines scolaires, pour les transports publics, etc.

D’autre part, à qui s’adresse le film, quel est son message ? Ce serait à nous, particuliers, de changer notre attitude et nos habitudes. Vrai, mais partiel. Qui pollue à grande échelle, dans les pays riches ? L’agriculture et l’industrie. Deux grands laissés pour compte de Home. Il faut plusieurs dizaines de millions de particuliers pour parvenir aux mêmes changements que ceux possibles avec quelques usines. Demandez aux habitants de l’agglomération dunkerquoise ce qu’ils en pensent, eux dont tous les sens sont bloqués par la pollution des usines locales.

Greenwashing et mauvaise application du DD

Côté communication, une fausse note : la première phrase qui apparaît à l’écran, et celle qui la clôture. « 88 000 collaborateurs du groupe PPR ont soutenu Home ». La question est : les 1 800 futurs licenciés du groupe (plan de restructuration annoncé en février) en font-ils partie ? Hélas, le greenwashing n’épargne pas Home : PPR est intimement associé à ce film, a été son principal mécène. La différence avec de la publicité est subtile, mais la réalité du groupe PPR est à mille lieues de la beauté sauvage du film. Conforama regorge de produits made in China, Puma fabrique ses chaussures là où c’est le moins cher. Et je m’arrêterai là.

Une critique souvent adressée au film est son mode de production, l’hélicologie. Ce n’est pas tant la facture CO2 officielle du film (1 500 tonnes, tout de même) qui me choque, car il faut bien faire le film, mais la façon dont elle est soldée : par un chèque de près de 23 000 € fait à la fondation Action Carbone (tiens, celle de YAB, bonjour l’impartialité…) qui permet de financer un projet en Inde. Autrement, on s’achète une bonne conscience, et un droit à polluer. Moralement indéfendable.

The bott-home line

Quoi qu’il en soit, si ce film n’est pas un chef d’œuvre écologiste, s’il présente très peu de solutions, s’il oublie malencontreusement quelques sujets cruciaux (le nucléaire), malgré donc tous ces défauts, je pense que ce film va dans le bon sens. Parce que faire prendre conscience des problèmes écologiques au plus grand nombre, c’est déjà une belle réussite. Que les citoyens se saisissent de la question écologique serait salutaire.

Crédit photo : ilhan gendron, sur Flickr. Image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.

8 comments to “Home-sandwich”
    • On parle de l’article suivant, n’est-ce pas ?

      Toute la première partie, avec les propos d’Isabelle Delannoy, ne me pose pas de problème. C’est sa vision du film, elle y croit, normal. Par contre, une fois les guillemets fermés, j’ai eu l’impression que ce n’était qu’une reprise d’un dossier de presse. Il y a quand même des choses qui doivent un peu vous faire tiquer. Le coup du film sans profit : le film est gratuit (et encore, il y a un copyright, quand je pense que certains parlaient d’un film open source), mais il y a tout un business à côté, à géométrie variable. La compensation carbone, à propos de laquelle je vous renvoie au rapport des Amis de la Terre (Royaume-Uni). La pub verdissante pour PPR, un groupe qui a un impact environnemental… disons pas négligeable.

      Bref, sans que ce soit un reproche, je constate que votre vision de Home (datant du 3 juin, je précise) ne donne que dans un sens. Si Home permet une prise de conscience, très bien. Mais les contradictions sont nombreuses…

      Ceci étant dit, j’essayais de résumer en un minimum de mots les lectures que j’avais faites au moment d’écrire mon billet. Exercice un peu cruel, rendant impossible toute nuance. Chaque article cité mériterait une chronique…

  1. Oui oui nous parlons du même article. Je pense à mon sens que la question devrait être posée autrement: comment cela se fait-il que l’on en arrive là aujourd’hui pour faire passer le message?

    Qui plus est, au regard de l’impact du film et du résultat des élections européennes, j’ai tout de même la sensation que ce genre de démarche a le pouvoir de faire changer les choses, non? Les écolos ont parfois tendance à croire que le grand public a compris, or c’est malheureusement encore faux pour de nombreux citoyens…

    Catherine a du reprendre des éléments du dossier de presse pour la bio de YAB and co c’est certain.

    Enfin, en ce qui est des contradictions, il y en a certes, mais il y en a partout, dans chaque démarche… même chez les plus écolos. Et la question des contradiction rejoint la première question: pourquoi sommes nous obligés de faire passer le message ainsi aujourd’hui surtout?

    • @ Anne-Sophie :
      Merci pour ce commentaire extrêmement constructif, Anne-Sophie. La question que vous posez est fort judicieuse. Mais je crains que la réponse ne soit pas apportée par les « écolos ». J’essaie d’expliquer ma démarche (ce blog en est l’exemple), de convaincre les gens que je rencontre, tout en évitant les clichés. J’ai du mal à voir ce que je pourrais faire de plus. Et je ne me reconnais pas dans le paysage politique actuel.

      Maintenant, on en vient au fond du problème. La solution est politique, j’en suis convaincu. Or pour une raison x ou y, les politiques ne sont pas prêts à prendre des décisions qui chambouleraient complètement leur horizon. Et on en arrive à cette solution paradoxale que ce sont les citoyens, un à un, qui doivent être à l’origine du changement. On pourrait faire plus rapide et plus efficace…

      Le discours qui me gène, c’est celui qui consiste à dire que l’on règlera le problème avec des gestes écolos faits par les particuliers (arrêter les robinet, trier ses déchets, etc.). Et ça me semble être l’essentiel du discours de YAB. Utile, certes, et n’allez pas dire que je suis contre, mais si de l’autre côté industriels et agriculteurs continuent sur le même rythme, au final cela ne servira à rien. Le problème, c’est que derrière on touche à des notions de croissance, de développement, de but à long terme de la société, de répartition des pouvoirs, et que ce sont des notions ancrées dans notre inconscient, qu’il faudra remettre en question si l’on veut réellement avoir un impact sur l’environnement.

      Quant aux contradictions, rassurez-vous, j’ai aussi les miennes. 😉

    • @ sans gluten :
      Absolument. Je suis désolé si je vous ai froissé(e), mais je pense que votre billet pré-Home n’était pas ce qu’il y a de plus équilibré, c’est le moins que l’on puisse dire.

      Tout est résumé dans le « charité bien ordonnée commence par soi-même ». Pas d’accord. Charité bien ordonnée commence par identifier ceux qui nous ont mis dans la situation actuelle, au niveau mondial. De voir comment nous en sommes arrivés là, pour savoir comment en sortir. Sur ce point, Home est bien léger. Et bien influencé.

      Vous avez relayé le buzz sans essayer de creuser un peu. Ce n’est pas un drame, et d’ailleurs vous avez publié un autre billet, suite à la diffusion du film, qui était bien plus équilibré, et dont j’aime beaucoup le titre. Oui, Home, et après ? Contrairement à ce que beaucoup semblent penser, l’écologie n’a pas été inventée avec ce film, et je ne suis pas convaincu qu’il ait un impact significatif à long terme. Sa seule particularité, c’est d’être massivement distribué. On parle d’écologie, c’est bien. Et après ?

  2. @Yonnel :
    Non je ne suis pas froissé, juste un peu titillé, mon premier article comme vous le dites a été écrit avant de voir le film, c’est après l’avoir vu que je creuse un peu plus. Néanmoins, je pense qu’il a un mérite, c’est celui d’informer les gens et c’est pour cela que j’ai relayé le buzz, après c’est sur on peut le critiquer sur beaucoup de plans.Quand à la responsabilité de la situation actuelle, nous sommes tous coupables, car laisser faire c’est de la complicité et vu les échos autour de moi que j’ai depuis la sortie de « home », je pense que certains ont eu une prise de conscience, à nous de le fédérer pour faire bouger les choses, afin que les problèmes de notre planète ne retombent pas dans l’oubli.

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